Pendant cette vie, nous ne connaissons pas Dieu dans son essence, mais seulement dans le miroir de ses créatures ; ainsi, nous ne pouvons pas l’admirer dans son être et ses perfections essentielles, mais seulement dans les œuvres qui sont sorties de ses mains. Si cela est, nous pouvons conclure avec raison que les Saints sont les premiers sujets dans lesquels nous devons admirer Dieu : ce sont ses plus excellents ouvrages, et ce qu’il y a de plus parfait hors de lui ; ce sont eux qui nous donnent la plus haute idée de sa puissance, de sa sagesse, de sa bonté et du reste de ses attributs.
Il est vrai qu’il est encore admirable dans toutes ses autres créatures, parce qu’il n’y en a aucune qui n’élève l’esprit à la connaissance de ses grandeurs. Il est admirable dans la production des fleurs, des fruits, des plantes et des animaux, où nous voyons sa beauté et sa gloire peintes avec de si vives couleurs. Il est admirable dans la création des étoiles, des planètes et des corps célestes, qui, par leur splendeur et leur incorruptibilité, sont autant de figures de sa lumière éternelle. Il est surtout admirable dans la formation de ce grand univers, où, d’un côté, la multitude presque infinie des êtres différents qui le composent, et de l’autre le bel ordre et l’harmonie merveilleuse qui se trouvent entre eux obligent les plus forts esprits à s’élever au-dessus de tout ce qui est créé, pour reconnaître un Dieu indépendant, un Dieu immortel, un Dieu tout-puissant, un Dieu plein de bonté, qui a su et a bien voulu opérer tant de miracles pour élever nos cœurs et les conduire, par les choses visibles, à la connaissance et à l’amour de ses perfections invincibles.
Mais ce grand Dieu ne se fait en nulle chose si hautement admirer que dans l’âme des justes et dans les vertus qu’ils ont pratiquées ; car toutes les créatures privées d’intelligence et de raison ne sont que les signes et les vestiges de Dieu ; ce qu’on pourrait dire aussi en quelque façon des pécheurs qui se sont rendus semblables aux bêtes ; mais les Justes et les Saints, au contraire, sont les images et les copies vivantes de sa divinité, et ils ont l’honneur d’être ses amis, ses enfants par adoption, ses favoris, ses héritiers et les chers objets de ses complaisances. Saint Basile dit même que chaque Saint est un Dieu, non pas à la vérité par la perfection de sa nature, qui est la même que celle des autres hommes, mais par le bénéfice de la grâce dont son âme est comme édifiée. Ainsi, nous avons beaucoup de sujets de dire que ni la terre avec sa fécondité et l’abondance de ses fleurs et de ses fruits, ni la mer avec ses richesses et le nombre infini de ses monstres et de ses poissons, ni l’air avec ses beautés et la multitude de ses oiseaux et de ses météores, ni le feu avec ses éclairs et le terrible éclat de ses tonnerres, ni le ciel même par la splendeur de ses astres et la régularité de ses mouvements, ne nous publient si avantageusement la grandeur et la gloire de notre Dieu que l’âme d’un Saint que sa bonté a choisi pour le lieu de sa demeure, pour le vaisseau de ses grâces, pour le centre de son repos et pour l’objet de ses plus tendres amours.
Nous conclurons donc avec le Roi-Prophète que sa propre expérience a fait parler, que « Dieu est véritablement admirable en ses Saints, qu’il est le Dieu d’Israël qui a donné cette grâce et cette force à son peuple, et que son saint nom en doit être infiniment béni ».