Son corps, trouvé sur la plage d’Ambleteuse, fut d’abord enseveli sans honneur comme celui de l’inconnu le plus vulgaire. Cependant, cette injustice ne tarda pas à être réparée, car Dieu permit qu’un merveilleux prodige vint faire briller à tous les yeux le mérite de notre Saint et révéler toute la gloire dont son âme jouissait dans le ciel. On assure que chaque nuit une lumière éclatante resplendissant au-dessus de sa tombe, les habitants, surpris d’un fait aussi miraculeux, allèrent aux informations pour savoir quel pouvait être le saint personnage que le Seigneur favorisait de la sorte. C’est ainsi qu’ils reconnurent en lui ce vénérable prêtre Pierre, qui déjà de son vivant leur avait témoigné tant de bonté et de dévouement ; et la possession inespérée de ses précieux restes était pour eux comme la confirmation et le gage assuré de sa protection persévérante.
Cependant, la petite ville d’Ambleteuse n’étant pas aussi apte à se défendre contre les entre prises de l’ennemi que pouvait l’être la ville de Boulogne, celle-ci réclama et obtint bientôt la garde de cet inestimable trésor. Le transport s’en effectua d’Ambleteuse à Boulogne le 30 décembre 608 et de la manière la plus solennelle. L’inhumation eut lieu dans l’enceinte même de la cathédrale.
La dévotion aux reliques de saint Pierre d’Ambleteuse attira pendant longtemps à Boulogne une grande affluence de fidèles qu’on voyait obtenir par son intercession une multitude de grâces spirituelles et temporelles. Gocelin témoigne que le corps entier de saint Pierre d’Ambleteuse reposait, au XIe siècle, dans l’église des chanoines réguliers de Boulogne. Dans la suite les chairs s’étant consumées, les ossements furent transférés dans la sacristie. La tête fut enfermée, en 1528, dans un riche reliquaire d’argent du poids de vingt-quatre marcs. Un de ses bras fui pareillement enchâssé dans un bras d’argent dont la main était dorée. L’autre bras, ainsi que plusieurs autres parties du corps, furent laissés à la vénération des habitants d’Ambleteuse. Mais tous ces glorieux débris, qui avaient concouru à former autrefois un vrai temple vivant de l’Esprit-Saint, furent impitoyablement profanés et dispersés en 1567 par les Calvinistes français, qui enlevèrent en outre tous les reliquaires d’or et d’argent au nombre de près de cent que possédait la cathédrale de Boulogne. Les autres reliques de saint Pierre disparurent également de l’église d’Ambleteuse, lorsque les Anglais séjournèrent dans cette ville. Les soldats protestants qui occupaient alors le port d’Ambleteuse avaient pris tellement à tâche d’effacer les moindres vestiges de la piété catholique, qu’ils étaient parvenus à porter une assez rude atteinte au culte dont notre Saint était l’objet dans le pays.
Il entrait pourtant dans les vues de la Providence de relever son serviteur de l’oubli dans lequel était tombée sa mémoire. En 1763, le bruit se répand que la cathédrale de Boulogne possède encore deux portions considérables de son corps. Aussitôt on se persuade que l’exposition de ces saintes reliques contribuera à faire revivre la dévotion des habitants d’Ambleteuse pour leur ancien protecteur, et le village tout entier en fait la demande au chapitre de Boulogne. Mgr de Partz de Pressy, évêque de Boulogne, y donne son approbation. En conséquence, le 24 janvier de cette même année 1763, le curé et les habitants d’Ambleteuse se rendent à la cathédrale de Boulogne, où, après avoir assisté à une messe solennelle en l’honneur du Saint, ils reçoivent ses précieuses reliques des mains de M. Ballin, chapelain du chapitre. Un grand concours de fidèles, précédés de leur pasteur, faisant retentir les airs des hymnes de leur reconnaissance, accompagna ce pieux convoi jusqu’au lieu de sa destination. La fête à Ambleteuse se prolongea pendant huit jours et excita de la part des populations environnantes les témoignages de dévotion les plus édifiants. Des paroisses entières venaient en procession rendre hommage à la sainteté du bienheureux abbé; et, durant toute l’année qui suivit, une multitude de guérisons miraculeuses opérées par son intercession en attestèrent la puissance.
Au moment où éclata notre première révolution ; en 1789, on voyait encore dans l’église d’Ambleteuse une chapelle dédiée à saint Pierre au haut de laquelle figurait, sur une corniche, la statue de ce Saint, représenté dans son costume de religieux bénédictin. La portion de reliques dont nous venons de parler y était également conservée avec beaucoup de soin et de respect. Mais, le flot révolutionnaire qui renversa tout sur son passage et ne laissa debout aucune des choses saintes, n’épargna pas plus cette église que toutes les autres. Elle fut entièrement dévastée et la chapelle détruite avec tout ce qu’elle renfermait de plus sacré. On avait été cependant assez heureux pour sauver la relique, laquelle resta secrètement déposée dans une maison du voisinage appartenant à M. Poilly (Antoine), jusqu’en 1806, époque à laquelle, cette maison ayant été entièrement consumée par les flammes, son précieux dépôt disparut avec elle. Depuis 1806, l’église d’Ambleteuse ne possédait plus rien de son bienheureux patron. Mais, en 1846, M. Hamy, curé d’Ambleteuse, ayant fait reconstruire dans son église un autel à saint Pierre, abbé, reçut en présent, à cette occasion, de M. Leroy, prêtre attaché à l’établissement de M. Haffreingue, indépendamment de quelques autres petites parcelles provenant également du corps de notre Saint, un os de forte dimension qui parait avoir appartenu à l’une des cuisses. Pour soustraire en 93 cet intéressant débris à la rage des ennemis de la foi, on avait eu la précaution de le cacher dans la maçonnerie d’un vieux mur d’une maison de la haute ville. C’est la démolition de ce mur qui amena plus tard cette découverte inespérée.
Anciennement un nombre considérable de pèlerins se portaient à Ambleteuse, non-seulement pour y vénérer les reliques de notre Saint, mais encore pour s’y désaltérer à l’eau d’une fontaine qui portait son nom et qui avait la vertu toute particulière de guérir la fièvre. Cette fontaine, qui, d’après une tradition locale, s’est formée à l’endroit même où est venu échouer le corps de saint Pierre, est demeurée pendant assez longtemps ensevelie sous le sable. Avant 1791, on avait pratiqué bien des fouilles pour la découvrir, mais inutilement. Ce n’est qu’environ deux ans plus tard qu’à la suite d’une violente tempête, la mer la dégageant un peu des sables qui l’obstruaient, en mit une partie a découvert. À cette heureuse nouvelle, les habitants des trois hameaux composant la commune d’Ambleteuse coururent tous à l’ouvrage et achevèrent ce que la mer avait commencé, en débarrassant complètement les abords de cette fontaine de tout ce qui pouvait en masquer la vue. Elle était alors entourée de pierres de taille formant un carré, lequel était recouvert d’une ou de plusieurs autres grosses pierres. Et du côté du village, pour donner aux habitants la facilité d’y puiser à leur aise, on avait ménagé une ouverture close par une porte en bois qui tomba en pourriture aussitôt après l’opération du déblaiement. On s’empressa aussitôt de goûter l’eau, et quoique depuis fort longtemps elle fût complètement privée d’air, on la trouva excellente. À dater de ce jour, les malades, les fiévreux surtout, y vinrent de nouveau comme autrefois chercher la santé. Une chapelle a été bâtie sur cette fontaine.