La Vie des Saints

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D’après les Bollandistes, le père GIRY, les propres des diocèses et tous les travaux hagiographiques. Vies des Saints de l’Ancien et du Nouveau Testament, des Martyrs, des Pères, des Auteurs Sacrés et ecclésiastiques, des Vénérables, et autres personnes mortes en odeur de sainteté.

Histoire des Reliques, des pèlerinages, des Dévotions populaires, des Monuments dus à la piété depuis le commencement du monde jusqu’aujourd’hui.

Histoire des Saints, des Reliques, des pèlerinages, des Dévotions populaires, des Monuments dus à la piété depuis le commencement du monde jusqu’aujourd’hui.

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Saint Cyran

En Berry, saint Cyran, patron de la Brenne, fondateur des abbayes de Meobecq et de Lonrey. Vers 657.

Sommaire

Hagiographie de saint Cyran

Issu d’une noble famille du Berri, Cyran ou Sigiran eut pour père Sigelaïc, qui fut, dit-on, comte de Bourges, puis évêque de Tours, au temps de Dagobert, dont il était le parent. Après avoir fait ses études dans cette dernière ville, il fut confié, malgré les secrètes aspirations qui l’entraînaient vers Dieu, à Flaocat, l’un des leudes les plus puissants et les plus accrédités du roi franc. Flaocat l’ayant emmené avec lui à la cour, Sigiran ne tarda pas à s’attirer par ses rares qualités l’attention et les bonnes grâces du monarque, qui l’admit parmi la jeunesse attachée à sa personne et lui conféra la haute dignité d’échanson.

Loin de s’enorgueillir de ces succès et de les attribuer à son mérite personnel, l’enfant ne cessait d’en remercier le Seigneur qu’il avait toujours regardé comme le but et la cause de toutes ses actions. Cependant, pour ne pas faire disparate au milieu de la pompe royale, il se couvrait de beaux habits, sous lesquels il portait un cilice, et qu’il s’empressait de remplacer par de plus humbles vêtements quand il sortait du palais pour rentrer chez lui. Dans la suite, son père voulant assurer son avenir, le fiança à la fille d’un de ses riches amis, nommé Adroald ; mais, tout entier à Dieu, Sigiran se détournait de cette union, et bientôt, malgré de solennelles promesses, il résolut de rompre du même coup ce projet de mariage et les liens qui l’attachaient à la cour. Dans ces dispositions, il exposa respectueusement à son maître les graves motifs de sa détermination ; puis, il partit du palais et revint à Tours où, après une longue prière au tombeau de saint Martin, il coupa sa chevelure et se voua au service du Très-Haut.

Saint Cyran

Fête saint : 05 Décembre
Saint Cyran
Présentation
Titre : Fondateur des abbayes de Meobecq et de Lonrey
Date : Vers 657
Pape : Vitalien

Peu de temps après, Cyran était nommé archidiacre ; mais plus il s'élevait, plus il voulait s'humilier, plus il se livrait avec emportement aux œuvres d'amour et de charité, sans s'inquiéter s'il dépassait les limites de sa fortune et de la raison.

Ses austérités

Quel que fût son regret de manquer à la parole donnée, l’évêque Sigelaïc ne put résister à cette dernière preuve de l’ardente vocation de son fils, et l’inscrivit sur le livre des clercs. Peu de temps après, Cyran était nommé archidiacre ; mais plus il s’élevait, plus il voulait s’humilier, plus il se livrait avec emportement aux œuvres d’amour et de charité, sans s’inquiéter s’il dépassait les limites de sa fortune et de la raison. Si bien qu’après la mort de son père, ces libéralités excessives suggérèrent à un certain Etienne, questeur de la ville, l’idée de le faire passer pour fou et de l’enfermer comme tel. Sigiran ne souffrit pas longtemps de cette cruelle oppression, car, par une juste représailles de la colère divine, le questeur Etienne devint fou lui-même, et, surpassé dans sa folie par un autre insensé, tomba misérablement sous le fer d’un assassin. Rendu à la liberté, Sigiran abandonna le reste de ses biens aux pauvres et résigna ses fonctions d’archidiacre « pour suivre nu le Christ nu ».

Il y avait alors dans la province de Tours un évêque irlandais nommé Flavius, célèbre par sa sainteté et la rigueur de sa doctrine. Sigiran rechercha sa société, reçut ses enseignements et entreprit de l’imiter dans tous ses actes. Flavius ayant annoncé son intention de se rendre à Rome, il lui demanda la permission de l’accompagner, et, s’armant du bourdon, partit en effet avec lui. Chemin faisant, ils rencontrèrent et s’adjoignirent plusieurs groupes de pèlerins, avec lesquels ils continuèrent leur route, en visitant les églises et les lieux de dévotion.

L’époque des vendanges était arrivée ; la campagne se mettait en mouvement et redoublait d’activité. Les pieux voyageurs se trouvaient alors dans un petit village où, d’un commun accord, ils avaient résolu de séjourner quelque temps. Là, saisi de compassion à la vue des paysans couverts de sueur et de poussière, Sigiran laissa ses compagnons au logis et se mêla aux vendangeurs, pour aider les plus pauvres, accomplissant ainsi le vœu qu’il avait fait de gagner désormais sa vie par le travail, selon ce verset du Psalmiste :

« Tu mangeras le produit de tes mains ».

Le soir, il réunissait les gens du lieu, leur adressait des sermons, et leur lisait les actes des Saints, fournissant ainsi à leur esprit et à leur cœur un aliment tout à la fois solide et agréable. En entendant ces suaves prédications, plusieurs habitants des villes et des châteaux voisins abandonnèrent les biens profanes et périssables, dont ils étaient auparavant si jaloux, et se rangèrent aux humbles préceptes du saint homme qui ne cessa de faire la joie et l’admiration de la contrée, jusqu’au moment de son départ pour Rome.

Abbatiale Saint-Pierre de Méobecq

Après avoir accompli son pèlerinage et visité la ville éternelle, Sigiran revint dans les Gaules, où il retrouva son premier protecteur Flaocat qui se prit pour lui d’une nouvelle amitié et subit aussitôt le charme de sa douce et fervente parole. Dans les fréquentes conférences qu’ils avaient ensemble, Sigiran exprimant sans cesse le désir de trouver une solitude favorable à la prière, où il pourrait mener la vie des moines, Flaocat entreprit de favoriser ses projets et conçut même un instant la pensée de renoncer aux grandeurs humaines pour se vouer avec lui au service de Dieu. En conséquence, il mit à sa disposition, de l’aveu du roi, un bel endroit du nom de Meobecq, avantageusement situé en Berri, au milieu des forêts de la Brenne. Sigiran y construisit d’abord une cellule en bois, puis une église et un monastère de Bénédictins, dont il fut proclamé l’abbé par les nombreux disciples qui étaient venus le rejoindre, et avec lesquels, dans un calme profond, loin des regards du monde, il ne cessa dès lors de chanter nuit et jour les louanges du Seigneur. Ce monastère acquit en peu de temps un tel développement et une telle célébrité que, ne pouvant accueillir les demandes de tous ceux qui désiraient se ranger sous sa loi, le vénérable abbé dut, sur un ordre d’en haut, songer à fonder une seconde maison.

Abbatiale Saint-Pierre de Méobecq
Abbatiale Saint-Pierre de Méobecq
Nef Centrale
Nef Centrale

À la prière de Flaocat, le roi s’empressa d’octroyer à Sigiran un riche domaine appelé Lonrey, qu’il possédait sur les bords de la Claise, dans une agréable position, et dont son leude favori avait la jouissance. Sous les successeurs de Clovis, la plus grande partie de la Brenne appartenait au domaine de la couronne, et ses vastes forêts, peuplées de bêtes fauves, furent plus d’une fois témoins des ébats du bon roi Dagobert, dont le nom est resté populaire dans la contrée.

Dagobert avait une affection particulière pour Lonrey, déjà renommé par le culte qu’on y rendait à la Vierge, et il se proposait d’en faire une de ses résidences habituelles, lorsqu’il le donna à Sigiran avec les droits, les honneurs, les prérogatives, les églises, les dîmes, les hommes, les péages, les pâturages, les terres cultivées ou incultes, et enfin généralement tout ce qu’il avait en propre entre l’Indre et la Creuse. Toutefois, il y conserva son palais, où il fit dresser un autel en attendant la construction de l’église, et l’enrichit, entre autres reliques, d’un fragment de la vraie croix, d’un morceau de la robe de la Vierge renfermé dans un coffret d’or, et d’une partie du menton de saint Jean-Baptiste.

Miracles de saint Cyran

Le roi ne se montra pas seul libéral en cette circonstance, car à peine le projet de Sigiran fut-il connu dans le pays, que les dons de toutes sortes arrivèrent de toutes parts en telle abondance qu’on dut en refuser plusieurs. On rapporte qu’un riche seigneur des environs, appelé Magnobodus, ayant envoyé sur un chariot un vase contenant mille livres d’huile, le Saint le pria d’ajourner son présent jusqu’à l’entier achèvement du monastère.

Quand un établissement définitif eut remplacé les cabanes de bois provisoirement élevées à Lonrey, un pieu essaim quitta les murs de Meobecq, devenus trop étroits, et s’installa dans la nouvelle ruche dont la réputation, bientôt égale à celle de la maison-mère, amena de Guyenne un noble et dévot personnage du nom de Didier, qui prit l’habit monastique et devint lui-même, à cette grande école, un saint du Berri.

Cependant, la quiétude et la satisfaction de Sigiran ne tardèrent pas à être troublées par un douloureux événement annoncé dans un songe. Après le départ de son ami, Flaocat ayant promptement oublié ses conseils et ses dévotes inspirations, s’était abandonné plus que jamais au torrent des passions mondaines. Parmi les courtisans se trouvait un de ses anciens élèves, nommé Willibald, homme plein d’honneur et de piété, dont les mérites et l’influence croissante lui avaient inspiré une abominable jalousie et la résolution de le perdre. À cet effet, il lui chercha querelle sur des griefs imaginaires, obtint du roi la permission de l’appeler en combat singulier, et, dans cette rencontre, le vainquit et le tua. Mais le châtiment suivit de près le crime ; car, onze jours après, celui qui avait opprimé la vertu, dont il eût dû par position être le plus ferme appui, subit la mort du corps et de l’âme, et comparut au tribunal suprême couvert d’un sang innocent.

Tandis que ces choses terribles se passaient à la cour, la grâce continuait de descendre sur les abbayes de Meobecq et de Lonrey et se manifestait par deux miracles que nous ne pouvons omettre.

Un soir que Sigiran et quelques frères s’étaient rendus à Meobecq pour la conclusion d’une affaire, des voleurs les suivirent furtivement et dérobèrent leurs montures. Mais Dieu ayant jeté la confusion dans l’esprit de ces misérables, ils se perdirent à travers les bois, et, après avoir erré toute la nuit, se retrouvèrent au point du jour devant le guichet de Meobecq, à la vue duquel ils abandonnèrent les chevaux et s’enfuirent.

Les affaires terminées, le pieux abbé et ses compagnons s’acheminèrent vers Lonrey. Ils arrivèrent sur la brune dans le voisinage d’une ferme et mirent pied à terre pour lire en commun les prières du soir, à la clarté d’un cierge tenu par un enfant. Pendant cette lecture, le vent éteignit la lumière, et l’enfant, rouge de honte, se disposait à aller chercher du feu, quand le Saint le retint doucement et lui dit :

« Ne te dérange pas, mon fils, car je porte avec moi la flamme divine ».

Puis il fit un signe de croix sur le cierge, qui se ralluma aussitôt. Après la prière, les voyageurs remontèrent à cheval et ne s’arrêtèrent plus qu’à l’abbaye, où ils reprirent leur vie dévote et studieuse.

L’histoire garde le silence sur le reste de la vie et sur la mort du premier abbé de Lonrey et de Meobecq. Nous savons seulement qu’à un âge déjà avancé, il fut pris d’un violent accès de fièvre et partit pour un monde meilleur au milieu du chœur des anges, la veille des nones de décembre, vers l’an 657.

Culte et reliques

Saint Cyran fut enseveli derrière l’autel d’une petite église du Blanc fondée par lui et placée sous son vocable, qu’on voit encore en la ville haute, près du vieux château des Naillac.

En 1629, le dimanche de l’octave de Pâques, l’archevêque de Bourges, Jean de Sully, vint au Blanc pour vérifier ces restes, et fit ouvrir le sarcophage de pierre qui les contenait. Après les avoir reconnus, il les déposa dans un coffret de bois qui fut lui-même enfermé dans le tombeau de pierre, couvert d’un drap de soie où était peint l’écusson d’Albert Turpin, homme d’armes, en présence de celui-ci, de dame Marthe de Crelay, son épouse, de l’archiprêtre du Blanc, de maître Guillaume de Saga, chanoine de Vatan, et de plusieurs autres membres du clergé.

L’année suivante, le dimanche après l’Assomption, le même prélat revint au Blanc et transporta de nouveau les reliques dans une châsse de cuivre doré, en présence des religieux de Saint-Sulpice de Bourges, de Saint-Gildas, de Meobecq, de Saint-Cyran, de Fontgombault, de La Celle-Saint-Eusice, de Jean de Belmont, d’Albert Turpin, hommes d’armes, et de plusieurs autres.

Ce fut sans doute à l’occasion de ces translations que l’abbaye de Saint-Cyran put obtenir divers fragments du corps de son glorieux patron, qu’elle conserva jusqu’à la Révolution de 93, avec d’autres reliques précieuses, dans une belle châsse rehaussée d’or. Cette châsse, portée tous les ans à la procession du dimanche avant la fête de saint Jean-Baptiste, devait naturellement exciter la convoitise des révolutionnaires, qui, en mars 1794, la brisèrent pour s’en approprier les ornements et dispersèrent ses reliques.

Celles-ci furent providentiellement recueillies par M. l’abbé Bouley, et renfermées dans un sachet scellé, avec un écrit signé de lui indiquant la nature et l’importance des objets sauvés, parmi lesquels se trouvaient : le morceau des vêtements de la Vierge dont fait mention la charte de Dagobert, des ossements de saint Paul, de saint Antoine, de saint Laurent, de saint Génitour du Blanc, de saint Fiacre, de saint Silvain de Levroux et de sainte Radegonde, enfin une partie du bras de saint Cyran.

Après le rétablissement du culte, ces richesses revinrent à l’église de Saint-Michel en Brenne, voisine de l’abbaye désormais supprimée, et furent déposées dans une châsse en bois plus que modeste, avantageusement remplacée en 1860 par un magnifique reliquaire de bronze doré, présent de l’impératrice Eugénie.