Son corps, après être demeuré près de trois cents ans dans le tombeau, en fut enlevé, avec beaucoup de solennité, le 21 juin de l’an 1343, par Roger-le-Fort, archevêque de Bourges, avec la permission de Clément VI, en présence de deux autres évêques et de plusieurs abbés, prieurs et autres personnages ecclésiastiques ; et, ayant été mis dans une châsse, il fut placé fort honorablement dans l’église du prieuré de Souvigny. Une première translation avait eu lieu sous le pontificat d’Urbain II qui avait été moine de Cluny ; on en célébrait la fête le 13 novembre. On faisait aussi une commémoraison annuelle de la découverte de son corps le 13 mai, et une autre de la réception de son chef, le 19 avril. Toutes ces fêtes prouvent combien était célèbre le culte de saint Odilon. Avant le pillage des Calvinistes, on voyait dans l’église de Cluny la statue en vermeil de notre saint abbé ; elle portait une mitre enrichie de saphirs ; au pied de la statue, quatre anges d’argent étaient assis sur un escabeau soutenu par quatre lions de môme métal.
Les reliques de saint Odilon ont été brûlées en 1793, avec tous les riches ornements et toutes les précieuses reliques que renfermait le trésor du prieure de Souvigny. On voit encore dans l’église deux espèces de châsses ou armoires en pierre d’Apremont richement sculptées. C’est un petit monument du XVe siècle. Les portraits de deux grands saints, Mayeul et Odilon, sont peints sur les panneaux des deux portes ; mais le reliquaire est complètement vide. Le nom de saint Odilon est encore en vénération dans la paroisse de Souvigny ; il l’est beaucoup moins cependant que celui de saint Mayeul, son prédécesseur.
Le prieuré de Souvigny subsiste encore en très-grande partie ; mais il est devenu une habitation particulière qui se dégrade malheureusement tous les jours. L’appartement du prieur, séparé entièrement de celui des moines, est en meilleur état de conservation. Le magnifique enclos attenant au prieuré et au monastère a été coupé par une route depuis environ dix ans.
On possède encore la belle église prieuriale, devenue église paroissiale depuis la restauration du culte. C’est, malgré les mutilations subies en 1793, le monument le plus beau et le plus complet du Bourbonnais. Ses vastes dimensions, la variété de ses genres d’architecture, la sévérité du style romandes bas-côtés, la richesse de ses chapelles ogivales qui renferment le tombeau des ducs de Bourbon, la beauté du sanctuaire, en font la merveille de la province. Elle a besoin d’une prompte restauration pour la sauver d’une ruine imminente. Nous apprenons avec plaisir qu’on va satisfaire sur ce point le vœu de tous les amis de l’art.
Saint Odilon était maigre et pâle, ses cheveux étaient gris ; mais ses yeux avaient un éclat prodigieux, presque terrible. Le son de sa voix vibrait comme une cloche lointaine appelant les fidèles à la prière ; et ses paroles, à la fois douces et fortes, pénétraient tous les cœurs. Ainsi qu’une lampe d’or éternellement suspendue devant le tabernacle du Seigneur, son esprit s’élevait perpétuellement vers Dieu, source inépuisable de vérité. Il pouvait dire avec le sublime auteur du Cantique des Cantiques ;
« Je sommeille, mais mon cœur veille pour vous ! »
En effet, il lui arrivait quelquefois, pendant la nuit, de s’endormir en récitant les psaumes, mais il n’en continuait pas moins à prier ou à chanter tout en dormant ; puis, à son réveil, il achevait le psaume commencé, comme s’il n’y avait eu aucune interruption.