Saint Judicaël naquit vers l’an 590, ou quelques années après cette époque, et fut baptisé par un prêtre nommé Guodenon. Il fut nourri jusqu’à l’âge de trois ans dans la maison de son aïeul Ausoche, et depuis élevé à la cour du roi de Bretagne, son père, après la mort duquel il devait, comme l’aîné de tous ses frères, succéder à la couronne. Il s’efforça en effet de s’assurer le trône, et soutint même ses droits par les armes ; mais Salomon II, son frère et son compétiteur, lui disputa et obtint la couronne. Renonçant dès lors au monde, il alla dans le monastère de Saint-Jean de Gaël (Domnonée armoricaine), se revêtir des livrées de la pénitence sous la conduite de saint Meen. Toute la Bretagne, quoiqu’affligée de la retraite de son prince, sur le mérite duquel elle avait conçu de grandes espérances, admira celle grande action, qui parut d’autant plus généreuse et plus chrétienne à ses sujets, qu’ils connaissaient mieux ses belles qualités, et que la solidité de son esprit leur persuadait qu’il n’avait pas pris ce parti sans réflexion.
On raconte des choses merveilleuses de la première ferveur de Judicaël. Ses mortifications étaient extrêmes, et seraient allées jusqu’aux plus grands excès, si la sage discrétion de saint Meen ne les eût modérées. Quelque vigilance pourtant qu’eût le saint vieillard à retenir les saillies de ce zèle sans expérience, il ne pouvait empêcher que Judicaël ne dépassât souvent les bornes qui lui étaient prescrites, et que, présumant trop de son courage et de ses forces, il n’en fît beaucoup plus qu’on n’exigeait de lui, et même qu’on ne lui permettait. Un jour d’hiver, saint Meen le surprit plongé dans l’eau jusqu’au cou, par un trou qu’il avait fait à la glace. Le saint abbé ne put s’empêcher d’admirer une si grande ferveur, mais il fit entendre à Judicaël qu’il n’est pas moins dangereux, quelquefois, de vouloir triompher par la force de certaines tentations, que de ne se mortifier pas assez par une discrétion trop réservée.
Judicaël écoutait ces instructions avec docilité, et quelque fortes que pussent être les corrections que saint Meen lui imposait, il trouvait toujours tant de bonté et de tendresse pour lui dans les avis salutaires de son maitre, qu'il les recevait sans peine et s'y soumettait avec joie. Il n'eut même aucune répugnance à prendre soin du jardin de la communauté, sous la direction de celui qui en avait l'intendance, et il aimait d'autant plus ce vil emploi, qu'il vivait du travail de ses mains, et que la fatigue inséparable de cette occupation affaiblissait insensiblement dans son corps l'ennemi domestique qu'il appréhendait.
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Judicaël écoutait ces instructions avec docilité, et quelque fortes que pussent être les corrections que saint Meen lui imposait, il trouvait toujours tant de bonté et de tendresse pour lui dans les avis salutaires de son maitre, qu’il les recevait sans peine et s’y soumettait avec joie. Il n’eut même aucune répugnance à prendre soin du jardin de la communauté, sous la direction de celui qui en avait l’intendance, et il aimait d’autant plus ce vil emploi, qu’il vivait du travail de ses mains, et que la fatigue inséparable de cette occupation affaiblissait insensiblement dans son corps l’ennemi domestique qu’il appréhendait.
Il n’y avait pas longtemps que Judicaël était dans cette maison, où, après son entrée, il avait reçu la tonsure cléricale et l’habit monastique, marque de son engagement, lorsque le saint abbé Conard-Meen rendit son âme à Dieu, et laissa son disciple dans une si grande affliction, que rien ne fut capable de le consoler de cette perte. L’ancien auteur de la Vie de saint Josse nous apprend que Judicaël laissa alors croître ses cheveux et sa barbe, reprit ses habits séculiers, remonta sur le trône après la mort de son frère, Salomon II, arrivé vers l’an 630, édifia toute la maison royale et toute la cour par l’exemple de ses vertus.
Judicaël se maria à une dame de la même famille et du même pays que la reine sa mère, et qui, selon la chronique de Saint-Brieuc, se nommait Meronoë ou Merovoë, et, selon l’auteur des Actes de saint Léri, Morone. Elle n’était guère moins vertueuse que son époux, et ne se portait pas avec moins de zèle que lui à toutes sortes d’actions de religion et de piété ; ce qui entretient entre eux une paix et une concorde admirables. Persuadés, tous deux que la principale obligation des rois chrétiens est de s’employer avec zèle à faire régner dans leurs États la loi de Jésus-Christ, et que toute leur grandeur devait être dans la dépendance de la sienne, ils ne se servaient de leur puissance que pour le faire adorer avec plus de respect. Ils n’employaient leurs trésors que pour soulager plus efficacement l’indigence des pauvres, et n’usaient de leur autorité que pour faire observer plus fidèlement les lois de Dieu, faire régner dans leur royaume la piété et la justice. L’auteur de la Vie de saint Judicaël rapporte en particulier quelques faits qui montrent combien à cet égard les dispositions de son cœur étaient saintes. Il nourrissait toujours à la suite de sa cour, dit cet auteur, une troupe de pauvres auxquels il faisait distribuer régulièrement tout ce qu’on desservait de sa table, et tes servait souvent de ses propres mains. Il avait même pour eux une si grande tendresse, que, trouvant un jour un pauvre lépreux au bord d’une rivière rapide, qu’on ne pouvait passer à pied qu’avec beaucoup de peine, il commande à tous les officiers et seigneurs de sa suite de marcher en avant, et de le laisser seul. Quand ils furent éloignés, il embrassa le lépreux, et pour lui faire traverser la rivière, le plaça devant lui sur son cheval, sans se rebuter de sa puanteur et de ses ulcères ; et l’on ajoute que ce lépreux apparent était Jésus-Christ même, qui, lui ayant promis de dignes récompenses, lui donna sa bénédiction, et disparut aussitôt.
Le Saint, au milieu de l’abondance et de la délicatesse de sa table, était très-sobre, et savait si bien cacher ses abstinences, qu’il semblait ne chercher qu’à se satisfaire dans ses repas, lorsqu’il ne s’occupait qu’à se mortifier. Il se réduisit à ne boire que de l’eau, et pour cacher cette pénitence, il se faisait donner à boire dans une coupe d’or couverte.
Sa bonté pour ses peuples et sa piété pour Dieu brillent avec éclat dans ce que l’on va dire. Une fois, pendant la nuit qui précède le jour de Pâques, et pendant qu’il était retiré pour se préparer à la solennité de la fête, il fut surpris d’entendre le bruit et les cris d’un grand nombre de charretiers, qui tâchaient de se devancer les uns les autres au passage d’un pont qui n’était pas fort éloigné de son palais. Il demanda quelle en était la cause ; et on lui dit que les fermiers de quelques droits qu’on lui payait en espèces lui amenaient un grand nombre de chariots chargés, et que c’était. d’où venaient tout ce vacarme et cette confusion. Il fut si peiné qu’on employât la plus sainte nuit de l’année à cette sorte de travail, et qu’on lui payât des redevances onéreuses aux peuples dans un temps où l’Eglise est occupée à rendre grâces à Dieu de ce que Jésus-Christ nous a délivrés de ce que nous devions tous à la justice de son Père, qu’il résolut sur le champ de remettre pour jamais à ses sujets cette imposition, et il le fit effectivement, comme il l’avait résolu.
Le temps qu’il avait demeuré sous saint Meen, dans l’abbaye de Gaël, lui avait fait concevoir tant d’estime pour la vie religieuse, qu’il bâtit quelques autres monastères et sanctuaires, entre lesquels on compte Notre-Dame de Paimpont, élevé en l’honneur de la sainte Vierge, sur le bord d’un étang, à la tête d’un pont, d’où lui est venu son nom. Ce religieux prince fit desservir cette chapelle par des religieux du monastère de Saint-Meen, et accorda, par une charte, vers l’an 648, des terrains à tous ceux qui voudraient s’établir dans la forêt qui couvrait le pays. En effet, dans les temps les plus reculés, une immense forêt partageait toute la Bretagne : elle était au nombre des bois sacrés des druides, qui en arrosaient les arbres de sang humain ; et on y trouve encore çà et là des pierres qui servaient d’autel pour leurs horribles sacrifices. Le saint roi Judicaël jugea que le meilleur moyen de purifier ces lieux et de réparer les outrages qui y avaient été faits à l’humanité, était d’y établir le culte de la sainte Vierge, que les druides honoraient sans la connaître. En effet, Notre-Dame de Paimpont attira bientôt à elle de nombreux pèlerins qui vinrent implorer son secours et lui demander des remèdes pour toutes les infirmités humaines. Mais malheureusement, vers le commencement du dixième siècle, des pirates normands vinrent incendier et anéantir le pieux sanctuaire. Un siècle plus tard, il fit relever par un prince de Bretagne, et devint une abbaye de chanoines réguliers de Sainte-Geneviève. Le culte de Marie reprit alors son premier lustre : de tous côtés on vint prier Notre-Dame de Paimpont ; presque tous les jours, il y avait quelque pèlerinage ; le lundi de la Pentecôte surtout l’affluence était immense. Enfin ce sanctuaire acquit une telle réputation, que dans la cathédrale même de Rennes, comme dans l’église du Rheu, on consacra un autel à Notre-Dame de Paimpont.
Ces bonnes œuvres ne pouvaient contenter le cœur de Judicaël, et quoi qu’il donnât aux monastères, sa conscience lui suggérait toujours qu’il ne s’acquittait pas à leur égard tant qu’il ne s’y donnait pas lui-même. Un remords secret lui reprochait sans cesse sa sortie du cloître et les engagements qu’il y avait contractés sous la discipline de saint Meen. Il est vrai que ses devoirs à l’égard de sa famille, le bruit flatteur de la cour, la multitude des affaires, les occupations inséparables de sa dignité, détournaient souvent son attention de ces pensées qui troublaient son repos, mais elles revenaient souvent, et si elles ne produisaient pas une dernière résolution, elles ébranlaient au moins et relâchaient les liens qui le retenaient dans ce siècle. On le vit en effet s’adonner plus que jamais aux exercices de piété, à la lecture de l’Ecriture sainte, aux aumônes, à la prière, et bientôt après se renfermer dans le monastère où il avait déjà pris l’habit. Après une longue vie passée dans les exercices de la piété et de la mortification, il rendit paisiblement son âme à Dieu, le 16 décembre vers l’an 658. Il fut enseveli à côté de son maître saint Meen. Aujourd’hui il ne reste de ses reliques, dans l’église de Saint-Meen, que la partie inférieure d’un fémur ; le reste a disparu à la Révolution.
On représente saint Judicaël ayant une couronne à ses pieds et tenant un balai à la main ; c’est la caractéristique ordinaire des personnages qui, après avoir renoncé à une vie brillante selon le monde, embrassaient avec joie les offices les plus humbles dans le cloître.
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