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D’après les Bollandistes, le père GIRY, les propres des diocèses et tous les travaux hagiographiques. Vies des Saints de l’Ancien et du Nouveau Testament, des Martyrs, des Pères, des Auteurs Sacrés et ecclésiastiques, des Vénérables, et autres personnes mortes en odeur de sainteté.

Histoire des Reliques, des pèlerinages, des Dévotions populaires, des Monuments dus à la piété depuis le commencement du monde jusqu’aujourd’hui.

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Saint Félix de Cantalice

À Rome, saint Félix, confesseur, de l'Ordre des Mineurs Capucins, illustre par sa charité évangélique et sa simplicité, que le pape Clément XI mit au rang des Saints. ✞ 1587.

Hagiographie

Ce bon religieux naquit à Cantalice, au pied du mont Apennin, sur les confins de l’Ombrie ou du duché de Spolète, l’an de grâce 1513. Ses parents étaient pauvres et laboureurs de profession, mais ils avaient beaucoup de piété ; et, comme le père s’appelait Saint et la mère Sainte, ils ne démen­taient pas par leur vie et leurs actions l’excellence de leur nom. Saint en donna un beau témoignage, lorsque, voyant expirer une fille de son fils ainé, il lui dit avec larmes, mais d’un esprit prophétique :

« Allez en paix, ma petite Sainte, avec la bénédiction de Dieu et la mienne, je vous suivrai de près : samedi prochain j’espère vous voir ».

Ce qu’il avait prédit arriva effectivement, bien que, lorsqu’il proféra ces paroles, il fût en pleine santé.

Félix fut le troisième de quatre enfants qu’il eut de son mariage. Élevé fort soigneusement dans cette école domestique, il fit d’abord de si grands progrès dans la vertu, qu’on le considérait déjà comme un Saint. Les en­fants, lorsqu’ils le voyaient approcher, se disaient l’un à l’autre, par respect :

« Voici Félix, voici le Saint ».

Dès qu’il fut en état de rendre quel­que service à la famille, son père l’employa à garder les bestiaux à la campagne ; et là, tandis que ses compagnons dormaient la nuit, ou que le jour ils prenaient quelque divertissement, il se retirait secrètement, et se jetant à genoux au pied d’un chêne, devant une croix qu’il y avait gravée, il faisait ses prières et méditait les douleurs de Notre-Seigneur en sa Passion ; outre cela, il récitait, le plus souvent qu’il pouvait, le Pater et l’AveMaria.

À l’âge de douze ans, il se loua en qualité de berger à un seigneur nommé Marc Tulle Pichi ou Picarelli. Alors, il ajouta à ses dévotions ordinaires la sainte communion et l’assistance plus fréquente au saint sacrifice de la messe. Pour l’entendre, il abandonnait quelquefois ses-troupeaux à la Providence, qui envoyait un gardien mystérieux : beaucoup de personnes ont assuré avoir vu ce berger inconnu et extraordinaire. Lorsque Félix fut plus âgé et plus fort pour en avoir soin, il fut appliqué par son maître à la charrue et aux autres travaux de la vie rustique : il donne partout des preuves de sa vertu. Il était extrêmement sobre, fort exact à observer les jeûnes commandés par l’Église ; et bien qu’il travaillât toute la journée, néanmoins, ces jours-là, il ne mangeait qu’une seule fois vers le soir. Il était l’ennemi déclaré du mensonge, des murmures et des mauvais dis­cours, et, pour les mieux éviter, il parlait peu. Il était toujours humble, patient et si plein de douceur, que quand quelqu’un l’offensait, il ne se vengeait point autrement qu’en lui disant :

« Allez, puissiez-vous devenir Saint ! »

Il se plaisait à entendre faire la lecture des bons livres. Comme un jour il écoutait attentivement la vie des saints anachorètes d’Égypte, il conçut un si grand désir de les imiter, qu’il se proposait déjà de se faire ermite ; mais, rentrant en lui-même et considérant les périls de la vie solitaire, il résolut de prendre plutôt l’habit des Frères Mineurs avec la réforme des Capucins ; un de ses cousins l’en voulant détourner, à cause de la­rgueur de leur vie qui est si austère, il lui dit en deux mots :

« Qu’il vou­lait être religieux tout de bon, ou ne s’en pas mêler ».

Saint Félix de Cantalice

Fête saint : 18 Mai
Saint Félix de Cantalice

Présentation

Titre : Capucin
Date : 1513-1587
Pape : Léon X ; Sixte V

Ce bon religieux naquit à Cantalice, au pied du mont Apennin, sur les confins de l'Ombrie ou du duché de Spolète, l'an de grâce 1513. Ses parents étaient pauvres et laboureurs de profession, mais ils avaient beaucoup de piété ; et, comme le père s'appelait Saint et la mère Sainte, ils ne démen­taient pas par leur vie et leurs actions l'excellence de leur nom. Saint en donna un beau témoignage, lorsque, voyant expirer une fille de son fils ainé, il lui dit avec larmes, mais d'un esprit prophétique : « Allez en paix, ma petite Sainte, avec la bénédiction de Dieu et la mienne, je vous suivrai de près : samedi prochain j'espère vous voir ».

Auteur

Mgr Paul Guérin

Les Petits Bollandistes - Vies des Saints - Septième édition - Bloud et Barral - 1876 -
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Dieu le fortifia dans cette résolution par un accident assez étrange.

Comme il était fort bon laboureur, on lui donna un jour commission de dompter et de dresser au joug deux jeunes taureaux. À peine étaient-ils attelés, que le seigneur Tulle, son maitre, s’étant présenté à l’improviste, vêtu de noir, ces animaux s’épouvantèrent ; furieux, ils se mirent à courir impétueusement. Comme Félix les voulut arrêter, ils le jetèrent par terre ; le foulèrent aux pieds et lui passèrent la charrue sur le corps ; il devait mourir mille fois de cet accident ; néanmoins, par une singulière provi­dence de Dieu, il n’en reçut aucun mal, quoique tous ses habits fussent en pièces. Le serviteur et le maître reconnurent le doigt du Très-Haut, qui n’aime pas qu’on diffère l’exécution des promesses qu’on lui a faites ; Félix n’eut donc pas de peine à obtenir son congé pour se consacrer au service d’un plus grand Maître, dans l’Ordre des Capucins : il vint trouver le gardien du couvent de Civita-Ducale, peu éloigné de Cantalice, pour lui demander l’habit de son Ordre. En vain ce Père lui exposa combien la vie d’un capucin est dure et pénible, il ne fit qu’enflammer les désirs de Félix ; Il le conduisit alors dans l’église, et, lui montrant sur une croix notre Sei­gneur tout sanglant, tout livide, il dit :

« Voici, jeune homme, ce que Jé­sus-Christ a souffert pour nous ».

À cette vue, et au ton pathétique du religieux, Félix sentit son cœur ému et versa d’abondantes larmes. Ces pieux sentiments semblèrent au Père gardien une nouvelle marque de vocation : il envoya donc le jeune postulant, avec une lettre de recommanda­tion, à Rome, vers le Provincial. Il avait alors près de trente ans ; on lui fit faire son noviciat au couvent d’Ascoli. Il y parut, dès le premier jour, tout pénétré de l’esprit de son Ordre. Souvent il se jetait aux pieds du maître des novices, le priant de doubler ses mortifications et de le traiter avec plus de rigueur que les autres, qui étaient, à l’entendre, plus dociles que lui, et plus portés à la vertu. 

Il fit ses vœux en 1515. Quatre ans après, ses supérieurs l’envoyèrent à Rome ; là il exerça pendant quarante ans l’office de quêteur, de la manière la plus édifiante. Pendant ses quêtes, il disait de temps en temps à son compagnon :

« Allons mon frère, le chapelet à la main, les yeux en terre et l’esprit au ciel ».

Il observait un silence fort rigoureux, car il ne parlait presque point ; et, quand il le faisait, c’était toujours avec une grande simplicité et une extrême douceur. Et ce qui est admirable, quoiqu’en sa jeunesse il eût été élevé dans la rusticité des gens de la campagne, il avait néanmoins des manières très-polies, qui le faisaient aimer autant que sa sainteté le faisait admirer. Sa démarche, son maintien seuls suffisaient pour inspirer de la piété. Comme son office l’empêchait de visiter les malades pendant le jour, il ne manquait pas, la nuit, de les voir l’un après l’autre, et de les soulager en tout ce qui lui était possible. Il ne se contentait pas de ceux du couvent : il en cherchait par toute la ville de Rome, autant que l’obéissance et sa charge le lui pouvaient permettre, et ceux qu’il voyait le plus volontiers, c’étaient les plus nécessiteux et ceux dont les maladies pouvaient donner le plus de répugnance. Il employait les dimanches et les fêtes à la visite des hôpitaux publics, pour y servir les pauvres. Sa charité s’étendait sur tous les affligés, à qui il distribuait non seulement des consolations, mais des soulagements. Quand il apercevait quelques pauvres honteux, il les secourait aussitôt ; il quêtait pour leurs nécessités avec plus d’affection que si elles eussent été les siennes propres : c’est ainsi qu’il a sauvé plusieurs personnes du déshonneur et du désespoir.

Il était si zélé pour la gloire de Dieu, qu’il faisait indifféremment la cor­rection fraternelle aux grands et aux petits ; et quand il rencontrait quel­que jeune débauché dans la rue, il l’arrêtait tout court pour lui faire une remontrance salutaire. Deux gentilshommes avaient mis l’épée à la main pour vider leur querelle : ils étaient dans la plus grande chaleur du duel : frère Félix survint fort à propos, et, du plus loin qu’il les vit, il leur cria de toutes ses forces : Deo gratias, mes frères ; Deo gratias ; dites tous deux ; Deo gratias ! Ils n’étaient guère alors en état d’écouter personne ; cependant la parole de Félix eut tant de force sur eux, qu’ils s’arrêtèrent tout court, et dirent tous deux : Deo gratias ! Ensuite, ils prirent pour arbitre de leur différend, le saint frère, qui les réconcilia et les rendit excellents amis. Il n’avait pas moins de sagesse que de zèle dans les corrections qu’il faisait.

Un jour, qu’il était chez un juge de la ville que l’on nommait Bernardin Biscia, on apporta à ce juge un jeune veau avec une lettre pleine de com­pliments pour lui recommander un procès. Il en fit la lecture, et, pendant ce temps, cet animal fit entendre des, mugissements. Le bienheureux Félix en profita pour lui dire :

« Seigneur Bernardin, entendez-vous bien le lan­gage de cet animal ? Il vous prie de donner gain de cause à ceux qui vous l’envoient ; mais, prenez garde de ne rien faire contre votre conscience, de crainte qu’au jour du jugement ces dons ne soient à votre confusion ».

Il avait la répartie si prompte et si adroite, qu’il tournait tout à la gloire de Dieu et à l’édification du prochain. Ayant une fois promis quelques petites croix à la princesse Colona, il arriva par hasard qu’il fut Obligé de les dis­tribuer à d’autres personnes. La princesse s’en plaignit, et lui dit agréable­ment :

« Voilà qui est beau, mon frère, de promettre et de ne pas tenir. – Mais combien de choses, lui repartit frère Félix, promettons-nous à Dieu, que nous ne lui tenons pas ? »

Il contracta une étroite amitié avec saint Philippe de Néri, qui était alors à Rome ; et, toutes les fois qu’ils se rencontraient ensemble, ils se sa­luaient avec affection, mais d’une façon bien nouvelle : car ils se souhaitaient l’un à l’autre les supplices du fouet, de la roue, du chevalet et de toutes sortes d’autres tourments pour Jésus-Christ ; et souvent ils demeuraient tous deux bien du temps sans parler, comme saisis et tout transpor­tés de joie. 

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Que dirions-nous après cela des autres vertus de notre bienheureux ? Il avait tant d’estime de l’obéissance, qu’il demeurait avec joie toute sa vie dans l’office le plus humiliant. Le cardinal de Sainte Séverine ; protecteur de l’Ordre, lui ayant demandé, dans sa vieillesse, s’il ne voudrait pas bien être déchargé dans sa quête, il lui repartit avec humilité :

« Monseigneur, un bon soldat doit mourir l’épée à la main, et un âne sous sa charge ».

Il rendait encore plus rigoureuse la pauvreté extrême de ce saint Ordre. Jamais il ne porta de tunique ni en hiver ni en été, mais seulement un pauvre habit extrêmement court et étroit et tout garni de pièces. Il évitait de voir ses parents comme une chose indigne d’un bon religieux, et un jour qu’il approcha de Cantalice, il n’y entra pas ; mais comme il fut obligé de loger dehors chez une de ses cousines, voyant qu’elle lui préparait une paillasse et une couverture, il s’en alla passer la nuit sous un arbre. Il ne pouvait rien souffrir qui fût contré l’honnêteté ; non-seulement il avait hor­reur des paroles libre ; mais il ne pouvait même écouter celles qui étaient suspectes.

Quant à ses abstinences et à ses mortifications corporelles, il semble qu’il ait entrepris de renouveler toutes les austérités des anciens Pères de la Thébaïde. Il observait exactement tous les Carêmes de l’Ordre et jetait au pain et à l’eau tout le temps qui avait été sanctifié par le jeûne de son saint patriarche. Il avait tant de haine de lui-même, qu’il ne pouvait se traiter assez mal à son gré, Il couchait sur des planches qu’il couvrait d’une vieille natte et n’avait qu’un tronc de bois, ou tout au plus un fagot de sarment pour chevet. Il ne dormait ordinairement que deux heures, et, trois quand il était incommodé. Il passait le reste de la nuit en prières ; pendant lesquelles il prenait trois fois la discipline, et souvent autant de fois pendant le jour. Il portait, outre cela, une chemise de mailles sous son habit, particulièrement quand il visitait les sept églises de Rome.

Il fut sujet, sur la fin de sa vie, à une irritation d’entrailles qui lui causaient d’extrêmes douleurs ; mais il les souffrait de si bon cœur, qu’il les ap­pelait des faveurs du ciel et des roses du paradis ; et ; quand elles étaient plus aiguës, il les charmait par quelque cantique spirituel qui ravissait même ceux qui le voyaient souffrir. Ces saints transports de joie, au milieu des douleurs les plus cuisantes font assez voir l’excellence de sa patience. Il fut toujours si éloigné de toute sorte de vanité et de complaisance de lui­-même, qu’il se croyait indigne de converser avec les autres frères : c’est pourquoi, lorsqu’il se trouvait avec eux, il parlait peu ou ne parlait point du tout. Jamais il ne permettait aux séculiers de lui baiser les mains (comme c’est la coutume en Italie de le faire par respect envers les ecclésiastiques et les religieux), à moins qu’il ne fût surpris. Et quand il prévoyait que cela devait arriver, il faisait rendre cet honneur à son compagnon. Il avait beau­coup de vénération pour les prêtres, et ne leur parlait jamais qu’avec un très grand respect. Il a toujours fait son possible pour ne paraître qu’un homme fort simple, afin de mieux cacher les grâces particulières qu’il re­cevait de Dieu. Il ne s’est servi de sandales qu’en son extrême vieillesse et quand on lui demandait pourquoi il allait nu-pieds :

« Parce que », disait-­il, « je marche plus à mon aise ».

Il ne pouvait souffrir qu’on dit rien à sa louange, et quand on le faisait il prenait aussitôt la fuite.

Il avait une dévotion singulière à la très-sainte Vierge ; il jeûnait au pain et à l’eau toutes les veilles de ses fêtes, avec le Carême entier que saint François faisait en son bonheur, depuis l’Octave des apôtres saint Pierre et saint Paul jusqu’à son Assomption. Il récitait son rosaire tous les samedis, et tous les jours le chapelet, mais avec tant de tendresse qu’il était souvent obligé de l’interrompre par l’excès des douceurs qu’il sentait en son âme. Il avait tant d’amour et de respect pour le nom de Jésus, qu’il le proférait en tout lieu et dans toutes les occasions. Lorsqu’il rencontrait des enfants, il leur criait :

« Dites : Jésus, mes enfants ; dites tous :  Jésus ».

D’autres fois, il leur faisait dire : Deo gratias ! Aussi, les petits enfants, qui savaient sa dévotion, n’attendaient pas qu’il le leur commandât ; mais dès qu’ils le voyaient de loin, ils criaient : Deo gratias, frère Félix ; Deo gratias ! Et lui, ravi et pleurant de joie, leur répondait le plus haut qu’il pouvait : Deo gra­tias, mes enfants ; Dieu vous bénisse, Deo gratias ! Quand il servait la messe, il n’y pouvait presque pas répondre à cause des larmes qu’il versait en abon­dance, et des douceurs qui inondaient son cœur. Sa dévotion était aussi fort sensible envers la passion de Notre-Seigneur ; et lorsqu’il en entendait faire la lecture, principalement dans la semaine sainte, il pleurait si amère­ment, qu’il arrosait le pavé de ses larmes. Ses méditations continuelles lui acquirent une union habituelle et si intime avec Dieu, qu’il était toujours en contemplation et si fort éloigné de lui-même ; que souvent il ne con­naissait pas ceux avec qui il conversait, quoique son office de quêteur l’obligeât de traiter avec toutes sortes de personnes. On rapporte qu’un religieux : lui demandant un jour comment, parmi l’embarras du monde et une infi­nité d’objets si différents, il pouvait se tenir toujours en la présence de Dieu, il lui répondit :

« Toutes les créatures de la terre sont capables de nous élever à Dieu si nous savons les regarder d’un œil droit ».

II ne dormait qu’environ deux heures ; ensuite il allait à l’Église et y demeurait en prières jusqu’à Prime ; puis il servait la première messe, à laquelle ordinairement il communiait tous les jours. Pour les fêtes et les dimanches, il en entendait plusieurs, outre celle qu’il servait. Enfin, le soir, en revenant de sa quête, il ne manquait jamais de rentrer dans l’église, où, après une profonde révérence, il baisait la terre devant le très-saint Sacre­ment.

Ce fut durant ces visités à Notre-Seigneur dans l’Eucharistie qu’un reli­gieux-prêtre, évitant secrètement ce qu’il faisait, l’aperçut debout, au milieu de l’église, les bras ouverts et comme en extase, qui s’écriait et disait avec de grands soupirs :

« Seigneur, je vous recommande ce pauvre peuple ; je vous recommande nos bienfaiteurs. Miséricorde, grand Dieu, faites-leur miséricorde ! »

Après avoir fait cette prière pendant un quart d’heure, il s’arrêta tout court, et demeura deux ou trois heures les bras étendus en croix immobile, comme s’il eût été mort. Une autre fois, il eut un si violent transport d’amour pour son Sauveur, que, courant au maître-autel, il pria et conjura la sainte Vierge de lui donner pendant ce temps son petit Jésus ; en effet, cette bonne Mère lui apparut, et, pour le contenter, elle lui mit son cher Fils entre les mains.

Toutes ces grâces et ces grandes faveurs du ciel, qui ne purent être cachées, le firent si fort considérer dans Rome, que, durant sa vie même, chacun le regardait comme un Saint. Étant âgé de soixante-douze ans, Dieu lui fit savoir, par révélation, qu’il mourrait bientôt. En effet, quelque temps après, il tomba dangereusement malade. Durant sa maladie, il se dérobait souvent à l’infirmier pour aller dans l’église, bien qu’il fût si faible, qu’on était obligé de le rapporter évanoui et demi-mort en sa cellule. C’était pour lui une croix d’être couché sur un matelas qu’on lui avait donné malgré lui, et il croyait que ce n’était pas là mourir assez pauvrement, ni comme un religieux de Saint-François devait mourir. Lorsqu’il, eut reçu les derniers Sacrements, la sainte Vierge lui apparut suivie d’une belle troupe d’anges, pour le fortifier dans ce passage.

Il en fut si ravi de joie, qu’il s’écria de toutes ses forces : Oh ! Oh ! Oh ! Et demeura ensuite près d’un demi-quart d’heure les bras étendus et levés vers le ciel. L’ennemi de tout bien le voulut tenter de désespoir et d’infidélité ; mais l’homme de Dieu l’arrêta tout court, lui disant :

« Que c’était son Sauveur qui le devait juger, et qu’il ne pouvait se défier de sa miséricorde ; qu’au reste, il croyait tout ce que la sainte Église catholique croit et enseigne ».

Enfin il rendit paisiblement son âme à son Créateur, dans les louanges de son saint nom et dans celles de sa sainte Mère, les finissant en ce monde le 18 mai, pour les aller continuer durant toute l’éternité dans le ciel.

Sa sainteté a paru, après sa mort, par quatre choses bien remarquables :

1°) Par le changement de son corps, qui, de brun qu’il était, devint aussi tendre et aussi blanc que celui d’un enfant ;

2°) Par la célèbre translation que l’on en fit du cimetière commun des religieux, où il avait été enterré, en un tombeau dans l’église, soutenu par des piliers de marbre qu’il avait lui-même demandés au seigneur Alexandre Poggi, en l’assurant qu’ils seraient employés pour lui ;

3°) Par une liqueur qui distille continuellement, de son cercueil, et qui est souvent l’instrument de plusieurs merveilles ;

4°) Enfin, par une vertu miraculeuse que Dieu a communiquée à l’huile de la lampe qui brûle jour et nuit devant son sépulcre. 

Saint Félix fut béatifié par Urbain VIII en 1625 ; canonisé par Clément XI en 1712 ; mais la Bulle de sa canonisation ne fut publiée qu’en 1724, par Benoît XIII. Son corps est dans l’église des Capucins de Rome. Il y a indulgence plénière pour ceux qui, ayant rempli les conditions ordinaires, visi­tent le jour de sa fête une église de son Ordre.

On représente saint Félix de Cantalice avec une besace, un baril ou une dame-jeanne sur l’épaule ; un panier ou cabas au bras. Parfois, il est accompagné d’un âne qui l’aidait dans ses tournées de quêteur. On trace sur sa besace vide ou gonflée, les mots Deo gratias qu’il prononçait avec la même piété, soit qu’il fût bien reçu, soit qu’il essuyât des refus. On le peint aussi quelquefois rencontrant saint Philippe de Néri dans la rue, et lui donnant à boire à même sa gourde ou bouteille recouverte d’osier. On sait que le Saint récitait volontiers son chapelet en parcourant les rues de Rome ; c’est pourquoi il pend souvent de sa main droite un grand chapelet qu’il égrène dévotement. Les Bollandistes donnent son portrait authentique dans leur appendice au mois de mai.