La Vie des Saints

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D’après les Bollandistes, le père GIRY, les propres des diocèses et tous les travaux hagiographiques. Vies des Saints de l’Ancien et du Nouveau Testament, des Martyrs, des Pères, des Auteurs Sacrés et ecclésiastiques, des Vénérables, et autres personnes mortes en odeur de sainteté.

Histoire des Reliques, des pèlerinages, des Dévotions populaires, des Monuments dus à la piété depuis le commencement du monde jusqu’aujourd’hui.

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Saint Eustase de Luxeuil

Au monastère de Luxeuil, le décès de saint Eustase, abbé, disciple de saint Colomban, qui fut le Père de près de six cents moines, et brilla non moins par ses miracles que par la sainteté de sa vie. ✞ Vers 625.
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Hagiographie de saint Eustase

Parmi les grands hommes que la Bourgogne a donnés à la France et à l’Église, ce bienheureux Abbé tient sans doute un des premiers rangs. Il était d’une famille très-noble ; mais il l’ennoblit lui-même beaucoup plus pour ses mérites et son éminente vertu.

Son historien, qui est Jonas, l’un de ses successeurs, nous le représente d’abord sous la conduite du grand saint Colomban, fondateur et premier abbé du monastère de Luxeuil. Il fit en peu de temps de si grands progrès sous sa discipline, qu’il mérita d’être mis en sa place, lorsque la persécution de Thierry, roi de Bourgogne, et de Brunehault, ou Brunechilde, sa grand-mère, le forcèrent de se retirer. À peine les religieux se sentirent-ils de l’absence de leur Père, sous la conduite d’un si admirable successeur. Il administra cette abbaye avec tant de prudence et de douceur, qu’il rendait agréables les plus grandes austérités de la vie solitaire. Aussi il vit bientôt sa maison peuplée de six cents religieux. Les passions de la chair n’avaient aucun empire sur son esprit, parce qu’il prévenait leurs mouvements par une guerre implacable qu’il se faisait à lui-même, et par de rudes pénitences dont il se tourmentait. Son cœur était si embrasé de l’amour de Dieu par la méditation continuelle des vérités éternelles, qu’il ne se pouvait empêcher de prendre soin du salut de tout le monde. On remarque particulièrement qu’il avait une tendresse extrême pour les pénitents qui s’accusaient à lui de leurs fautes, et que, prévenant leurs larmes par les siennes, il remplissait leur cœur de l’une indicible consolation. Les instructions qu’il donnait à ses religieux, touchant la mortification, la charité mutuelle et l’oraison, étaient admirables ; et comme elles étaient tous les jours soutenus de son exemple, elles faisaient un fruit merveilleux.

Saint Eustase de Luxeuil

Fête saint : 29 Mars
Saint Eustase
Présentation
Titre : Abbé de Luxeuil en Franche-Comté
Date : 625
Pape : Boniface V

Cependant, saint Eustase travaillait de plus en plus à l'avancement de la gloire de Dieu et au salut des fidèles, et sa parole était autorisée par la force des miracles : car il rendit la vue à une jeune fille, après l'avoir obligée de jeûner deux jours, et en lui mettant de l'huile bénite sur les yeux. Elle s'appelait Salaberge, et elle fut depuis une très-sainte abbesse, que l'Église honore le 22 septembre.

Conversions

Il fit un voyage en Italie, par l’ordre du roi Clotaire II, pour ramener saint Colomban en France : ces deux Saints eurent une consolation extrême de s’embrasser encore une fois durant leur vie ; mais de grandes raisons empêchant saint Colomban de revenir, saint Eustase fit trouver bon au roi qu’il restât hors du royaume. Allant une autre fois à la cour pour les besoins de son monastère, il passa par le château d’Oppigny, à deux lieues de Meaux, appartenant au comte Cagnéric. Il y était déjà passé quelques années auparavant avec son maître saint Colomban : en ce temps, ce saint Patriarche y avait reçu le vœu de virginité de sainte Fare, fille du comte ; mais, depuis, ce comte, sans avoir égard au vœu de sa fille, l’avait fiancée, et il voulait absolument la marier. La douleur de la Sainte en était si grande et accompagnée de tant de larmes, qu’elle en avait perdu la vue et était tombée malade à l’extrémité. Saint Eustase en eut pitié, et, après l’avoir consolée, il fit de grands miracles en sa faveur : il lui rendit la vue, la guérit entièrement de sa fièvre et décida enfin son père, quelque obstiné qu’il fût, à lui donner permission d’être religieuse. Les affaires qu’il avait à la cour étant expédiées, il retourna en son monastère, et s’appliqua à la prédication de l’Évangile dans tout le pays d’alentour : il convertit beaucoup de pécheurs, et gagna un grand nombre de serviteurs à Jésus-Christ. Il alla même, en suivant le cours du Doubs, annoncer la parole de Dieu aux Va­rasques, dont une partie était encore idolâtre, et l’autre, imbue des erreurs de Photin et de Bonose, considérait Jésus-Christ comme un pur homme, et le Saint-Esprit comme la vertu de Dieu, non comme une personne ; puis aux Bavarois, que saint Séverin n’avait pas entièrement christianisés. 

Louange perpétuelle

Quelques auteurs ont prétendu que ce fut vers l’époque de son retour de Bavière que s’inaugura dans l’abbaye la Louange perpétuelle, dont saint Bernard fait mention. Cette opinion est peu fondée ; mais au moins est-il certain que cet usage de chanter perpétuellement les louanges de Dieu fut entretenu, développé sous le gouvernement d’Eustase, et que le pieux Abbé présida toujours avec bonheur à cette psalmodie, dont le fruit le plus précieux devait être, selon lui, la vie de la foi. D’un autre côté, nous voyons prospérer, par ses soins, la fameuse école de Luxeuil. Cette école, établie dans le monastère, devint le rendez-vous d’un grand nombre de seigneurs de Bourgogne et même de plusieurs étrangers. Lyon, Autun, Langres, Châ­lons-sur-Marne et Strasbourg envoyaient leur jeunesse étudier à Luxeuil. Il est facile de comprendre toute l’étendue du bien qui en résulta. Ce n’est pas en vain que ceux qui sont appelés à gouverner un pays, ou du moins à y exercer une grande influence, travaillent à se former dans une école de savoir et de vertu. Au reste, saint Eustase ne comptait pas seulement au nombre de ses enfants cette foule de jeunes laïques, qui faisaient son éloge en devenant l’édification de la province ; son monastère était aussi fécond pour l’Église, et, dans l’espace de quelques années, nous en voyons sortir saint Cagnoald, évêque de Laon ; saint Achaire, évêque de Noyon ; saint Donat, évêque de Besançon, etc., sans compter plusieurs abbés et plusieurs missionnaires, qui travaillèrent avec un zèle admirable à l’établissement du règne de Dieu parmi les peuples. Cultivé par ces mains pures, le désert germe, fleurit, jette une odeur qui embaume tout : dans ce champ hérissé de ronces et de buissons sauvages, naissent les mythes ; à la place des épines, croissent les lis, et la postérité d’Eustase est bénie comme celle d’Abraham.

Jalousie du démon

Il n’était pas possible que l’œuvre de Dieu continuât avec tant de succès, sans soulever la fureur et la jalousie du démon. Celui qui avait su trouver un Caïn pour tuer un Abel, et un Judas pour trahir Jésus-Christ, ne tarda pas à découvrir dans la famille d’Eustase un faux frère, décidé à seconder les plus noires entreprises.

Agrestius ou Agrestinus, qui avait été secrétaire du roi Thierry, et s’était fait depuis religieux à Luxeuil, demanda permission au saint Abbé d’aller prêcher l’Évangile aux infidèles : le Saint, qui ne le jugeait pas capable de ce ministère, lui remontra longtemps qu’il fallait pour cela être appelé de Dieu ; et que, si Moïse et Jérémie avaient été effrayés d’une mission si redoutable il n’était nullement à propos qu’il s’y ingérât de lui-même : mais ce présomptueux, continuant toujours ses importunités, Eustase fut enfin forcé de le laisser partir. Agrestius parcourut sans fruit une partie de la Bavière ; et voyant qu’il n’y faisait rien, il se rendit en la ville d’Aquilée, dont les habitants étaient alors schismatiques et séparés de l’Eglise touchant le fait des Trois Chapitres. Le plus grand mal est qu’il embrassa leur schisme et que, revenant en France, il s’efforça d’y engager saint Eustase et ses religieux, avec les catholiques qu’il put rencontrer. Le saint Abbé le combattit avec une vigueur et une lumière admirable, et le contraignit de se taire à ce sujet. Mais il tourna ses armes ailleurs, et se mit à censurer la Règle et les Constitutions de saint Colomban, disant qu’elles contenaient des choses ridicules et des erreurs. L’affaire en vint à un tel point, que le roi Clotaire fut obligé de faire assembler le troisième concile de Mâcon pour vider ce diffé­rend. Agrestius s’y trouva, soutenu de quelques évêques qu’il avait séduits. Mais saint Eustase, après l’avoir réfuté en toutes ses propositions, pour punir son opiniâtreté, le cita à en répondre, à un an de là, en présence de saint Colomban, devant le tribunal de Dieu. Quelques-uns des assistants qui le favorisaient, fort étonnés de cette sommation, supplièrent le Saint de la rétracter et de sauver, par sa douceur, celui qui était près de périr. Le généreux Abbé y consentit, à condition qu’Agrestius reconnaîtrait sa faute. Il le fit en apparence : mais cette feinte pénitence ne dura pas longtemps, car ce malheureux schismatique, reprenant ses premières folies, s’en alla de nouveau par les monastères pour surprendre les plus simples. En effet, il en trompa quelques-uns, même de ceux qui semblaient les plus parfaits. Mais la justice divine, qui ne laisse rien impuni, fit qu’en moins d’une année, ils périrent presque tous, les uns par la rage des loups, qui les vinrent dévorer jusque dans leur enclos, et les autres par la foudre, qui renversa tout un couvent. Il y en eut môme un, nommé Plérée, qui, étant possédé du démon, se pendit et s’étrangla. Il est vrai que le plus criminel de tous, qui était Agrestius, échappa à tous ces désastres, la divine Bonté lui donnant encore lieu de faire pénitence : mais enfin, comme il ne devint point plus sage par le malheur d’autrui, il fut tué d’un coup de cognée par son propre serviteur. Ainsi le schisme cessa, et ceux que ce séditieux avait séduits, et qui lui survécurent, retournèrent au chemin de la vérité.

 

Saint Colomban de Luxeuil
Saint Colomban de Luxeuil
L'ancien monastère de Luxeuil-les-Bains.
L'ancien monastère de Luxeuil-les-Bains.

Miracles de saint Eustase

Cependant, saint Eustase travaillait de plus en plus à l’avancement de la gloire de Dieu et au salut des fidèles, et sa parole était autorisée par la force des miracles : car il rendit la vue à une jeune fille, après l’avoir obligée de jeûner deux jours, et en lui mettant de l’huile bénite sur les yeux. Elle s’appelait Salaberge, et elle fut depuis une très-sainte abbesse, que l’Église honore le 22 septembre. Il guérit aussi de la fièvre un religieux nommé Agile, frère du comte Cagnéric et oncle de sainte Fare, lequel a été ensuite premier abbé de Reshais, et tient son rang parmi les Saints, le 30 août. Mais il n’est pas le seul des disciples de ce grand Abbé qui ait brillé dans l’Église par sa doctrine et par sa piété ; car c’est encore de son école que sont sortis saint Agnoald, évêque de Laon ; saint Aychar, évêque de Saint-Quentin et de Noyon ; saint Omer, évêque de Thérouanne ; saint Ro­maric et saint Aimé, abbés, et Rachnaire, évêque d’Autun et de Bâle : tous excellents personnages et dignes disciples d’un si excellent maître. Il étendit aussi la règle de saint Colomban en beaucoup de lieux et bâtit plusieurs monastères.

Enfin, se voyant avancé en âge, et jugeant bien que l’heure de son dé­part ne pouvait pas être fort éloignée, il se défit entièrement de toutes les occupations extérieures et temporelles pour s’appliquer uniquement à la méditation de l’éternité. Dans ces exercices, il fut saisi d’une maladie extrêmement violente et douloureuse ; et comme une nuit la nature en était presque accablée, il eut une vision dans laquelle on lui demanda lequel il aimait mieux, ou de souffrir ces maux encore trente jours, ou d’en rece­voir de l’adoucissement, ou de ne mourir que dans quarante jours. Le Saint, qui brûlait du désir d’être dégagé de son corps, pour aller jouir de la présence de Dieu, choisit le premier parti ; aussi, trente jours après, chargé de mérites et d’années, et entièrement purifié par ces dernières douleurs, après avoir exhorté ses religieux à l’amour de leur règle et reçu les saints Sacrements, il sortit de ce monde pour entrer dans la possession de l’éternité bienheureuse. Ce fut le 29 mars de l’an 624 ou 625.

Culte et reliques

Les continuateurs de Bollandus marquent que son corps était encore, au XVIIIe siècle, en l’ab­baye des Bénédictins de Vergaville, au diocèse de Metz, en Lorraine, où il faisait de grands mira­cles, tant pour la délivrance des possédés que pour la guérison de ceux qui étaient tombés en démence ; et qu’il y était honoré par un grand concours de pèlerins.

M. De Blaye, curé d’Imling, nous écrivait, le 2 décembre 1862, au sujet des reliques de saint Eustase :

L’abbaye de Vergaville a été totalement détruite ; je crois qu’il n’en reste plus que le sol avec le mur d’enceinte.

Les reliques de saint Eustase furent emportées en 1792 par les religieux quittant leur monas­tère ; elles ne furent point conservées sans danger ; car madame de la Marelle, la dernière abbesse, fut obligée de les confier pendant plusieurs années à M. Labrosse, curé de Suriauville; elles fu­rent reconnues et approuvées le 25 juin 1804, par Mgr Antoine-Eustache Osmond, évêque de Nancy, sur le témoignage des anciennes religieuses, de M. Labrosse et de M. Vuillernin, directeur des religieuses avant la Révolution, et qui les avait retirées des châsses et reliquaires ; elles sont parfaitement certaines et authentiques et sont présentement vénérées dans deux châsses en bois doré, au prieuré de Flavigny-sur-Moselle (Meurthe), où les Bénédictines de Flavigny sont définiti­vement fixées depuis 1824.

Ces reliques consistent dans le chef et plusieurs grands ossements, parmi lesquels se trouvent un tibia et un péroné droit, d’un développement moindre et d’une moins bonne conservation ; ils appartiennent à un autre Saint et ne sont point spécifiés.

En 1670, des ossements de saint Eustase et de saint Valbert furent échangés entre Vergaville et Luxeuil ; il ne serait pas impossible que le tibia et le péroné incomplet susdits, soient de saint Valbert.

À Vergaville, il ne reste plus rien de saint Eustase : dans l’église paroissiale, on conserve quelques reliques parmi lesquetres un certain nombre d’ossements non spécifiés. Mais le nom de saint Sigéric (Sigéricus), fondateur de l’abbaye, trouvé sur de vieilles inscriptions parmi ces osse­ments, donnent à penser qu’ils lui appartiennent et peut-être aussi à la B. Betta, son épouse. Leurs corps, qui reposaient à Vergaville encore pendant le XVIIe siècle, ainsi qu’il est constaté par les inventaires des reliques, paraissent n’avoir point été enlevés avec ceux de saint Eustase. Ces der­nières reliques, qui semblent être tout ce qui reste des fondateurs de cette grande et antique abbaye, ont été mal conservées. Je ne sais si une révision sérieuse, mais qui serait un peu diffi­cile, pourrait rendre à ces dernières reliques un peu de la certitude qu’elles ont perdue, comme aussi déterminer à quel Saint appartiennent les tibia et péroné droits qui ne sont point à saint Eustase.

Iconographie

Voici les noms des ossements de saint Eustase : 1°) Le chef ; 2°) l’aine gauche incomplète ; 3°) moitié inférieure d’un fémur ; 4°) moitié supérieure du fémur droit ; 5°) humérus gauche ; et 6°) omoplate gauche.