La Vie des Saints

Logo-La-Vie-des-Saints

D’après les Bollandistes, le père GIRY, les propres des diocèses et tous les travaux hagiographiques. Vies des Saints de l’Ancien et du Nouveau Testament, des Martyrs, des Pères, des Auteurs Sacrés et ecclésiastiques, des Vénérables, et autres personnes mortes en odeur de sainteté.

Histoire des Reliques, des pèlerinages, des Dévotions populaires, des Monuments dus à la piété depuis le commencement du monde jusqu’aujourd’hui.

Histoire des Saints, des Reliques, des pèlerinages, des Dévotions populaires, des Monuments dus à la piété depuis le commencement du monde jusqu’aujourd’hui.

La Vie des Saints Webp

Apparition Mariale à Pontmain : Miracle et Dévotion Chrétienne

Découvrez l'apparition mariale à Pontmain, un site de pèlerinage catholique, célèbre pour les visions de la Vierge Marie en 1871 et les miracles associés. ✝️ 🙏

Hagiographie

C’était le 17 janvier 1871. La France était bien malheureuse ; son impiété, ses infidélités, ses crimes avaient irrité la colère de Dieu. Tous les maux s’étaient déchaînés sur nous. Les hordes prussiennes, pleines de haine et de cupidité, ravageaient un grand nombre de nos contrées. De Strasbourg à Paris, nos murailles s’écroulaient sous le choc de leurs bombes rugissantes comme un troupeau de bêtes fauves. Malheur aux paysans qui se levaient pour défendre la patrie ! Ils voyaient aussitôt leurs maisons incendiées, et leurs femmes et leurs pauvres enfants jetés dans le brasier.

Un tableau bien sombre

Et si les ministres de Jésus-Christ, émus jusqu’au fond de leurs entrailles paternelles, osaient pousser un cri de miséricorde et de pitié, ils ne tardaient pas à subir le sort de leurs infortunes paroissiens. Le froid, un froid terrible, la faim s’unissaient aux Prussiens et concouraient à leur œuvre dévastatrice. La mort et le deuil étaient partout. Puis de temps en temps, du sein de plusieurs grandes villes, de Paris en particulier, des voix sinistres pleines de haine et chargées de blasphèmes, proféraient des menaces terribles contre la société tout entière. Ces voix infernales demandaient la mort des prêtres et le pillage des riches. Des hommes sur le visage desquels les plus hideuses passions et les plus abjects appétits avaient laissé leurs honteux stigmates, traversaient nos cités, et la menace à la bouche, et le révolver au point, guettaient l’heure où Ils pourraient se ruer sur la France surprise, et achever par l’assassinat et le pillage l’ouvrage des Prussiens, leurs pères intellectuels, et peut-être aussi leurs complices.

La piété de quelques-uns

Mais derrière ce lugubre tableau, s’en présentait un autre que les grands politiques et les prétendus savants ne voyaient pas. Il était formé de toutes les âmes pures et simples, de tous les cœurs droits, de toutes les consciences sans tache. De ce petit groupe, caché dans les sanctuaires et dans les foyers de nos hameaux, s’élevaient sans cesse des prières attendries vers Dieu, vers Notre-Seigneur, vers la sainte Vierge. Et la sainte Vierge, qui connaît tout le prix et toute la force de l’humilité, puisque c’est à l’humilité surtout qu’elle doit d’être la mère de Dieu, la sainte Vierge, dis-je, doucement sollicitée par ces prières des humbles et des petits, ne tarda pas à se rendre visible aux plus humbles et aux plus petits d’entre les serviteurs de son Fils, et à leur annoncer l’aube de la délivrance. Cette apparition de la sainte Vierge a eu lieu à Pontmain, à la date que nous avons inscrite en tête de notre récit, c’est-à-dire le 17 janvier 1871.

Apparition Mariale à Pontmain : Miracle et Dévotion Chrétienne

Fête saint : 17 Janvier
Apparition de la sainte Vierge à Pontmain

Présentation

Titre : Mère de l’espérance, Dont le nom est si doux, Protégez notre France, Priez, priez pour nous !
Date : 1871
Pape : Pie IX

Mais derrière ce lugubre tableau, s’en présentait un autre que les grands politiques et les prétendus savants ne voyaient pas. Il était formé de toutes les âmes pures et simples, de tous les cœurs droits, de toutes les consciences sans tache. De ce petit groupe, caché dans les sanctuaires et dans les foyers de nos hameaux, s’élevaient sans cesse des prières attendries vers Dieu, vers Notre-Seigneur, vers la sainte Vierge.

Auteur

Emmanuel Mathiss de la Citadelle

Les Petits Bollandistes - Vies des Saints - Septième édition - Bloud et Barral - 1876 -
Poursuivre la Lecture

Pontmain est un petit village de la Mayenne, diocèse de Laval, à six kilomètres du bourg de Landivy. Il compte cinq cents habitants. Comme tous les villages bretons, il a encore cette physionomie biblique et chrétienne, qui contraste si heureusement avec nos hameaux, tels que l’esprit moderne les a faits, ou plutôt défaits. Ici dans cet humble coin de terre perdu dans l’immensité, chaque famille s’agenouille pieusement matin et soir et adresse à Dieu ses innocentes prières. Le père, d’une voix grave, la tête découverte, dit le Notre Père, la mère et les enfants les plus grands continuent par l’Ave Maria, que tous les petits essaient de répéter avec d’adorables balbutiements.

La famille Barbedette

Et Dieu qui s’éloigne des cités qui, dans leur orgueil, croient diriger le monde, descend vers ces saintes âmes, les embrase pour ainsi dire, et de ce mystérieux embrasement naît la conservation du genre humain. Le dimanche tout travail cesse. Ce jour est vraiment ici le jour du Seigneur. Parmi les familles qui composent la paroisse de Pontmain, il en est une qui se fait remarquer, entre toutes les autres, par sa piété et l’honneur de sa vie. C’est la famille Barbedette. Les époux Barbedette ont trois enfants, trois garçons. Au moment de l’événement miraculeux que nous allons raconter, l’ainé était à l’armée en qualité de mobile. Le cadet, appelé Eugène, a douze ans, et Joseph le plus jeune en a dix. La vie de ces enfants se passe à la maison paternelle, où ils s’occupent du soin des bestiaux, à l’école qui se trouve à quelque distance de leur demeure, et à l’église où ils servent tous les jours la messe, et où ils manquent rarement de faire le chemin de la croix, surtout depuis que leur ainé est à l’armée. Eugène et Joseph passèrent la journée du 17 janvier comme les jours précédents. Après la prière du matin, ils récitèrent le chapelet au coin de la vaste cheminée de la maison paternelle, se rendirent à l’église où ils firent le chemin de la croix en attendant la messe, et de là à l’école où ils restèrent jusqu’à cinq heures et demie. À cinq heures et demie, ils rejoignirent leur père qui pilait des ajoncs dans la grange contiguë à la maison. Ils l’aidèrent dans ce travail, éclairés par une chandelle de résine, jusqu’au moment où une femme nommée Jeannette Délais, l’ensevelisseuse de Pontmain, entra par la petite porte de la grange, et se mit à causer avec le père de Barbedette.

Merveilleuse apparition

Le travail étant interrompu par cette conversation, Eugène déposa son marteau à broyer et se plaça à la porte de la grange. La nuit, une de ces froides et claires nuits de janvier, était venue. Dans l’immensité des cieux profonds brillaient des milliers d’étoiles dont la neige, qui couvrait la terre, reflétait les scintillements. À la vue de ce spectacle divin, l’enfant fut saisi d’une religieuse admiration. Mais un spectacle beaucoup plus beau et beaucoup plus étonnant lui était réservé ! Abaissant insensiblement ses regards dans la direction d’une maison qui se trouve en face de la grange, il vit dans un cercle bleu, à une vingtaine de pieds au-dessus du toit de ladite maison, une belle et grande Dame. Elle était vêtue d’une robe bleue sans ceinture, comme une aube, et parsemée d’étoiles d’or. Les manches en étaient, larges et pendantes comme celles des anciens surplis. Ses chaussures bleues, ainsi que la robe, étaient ornées d’une rosette en ruban d’or. Son visage était encadré d’un voile noir, dont les plis flottaient sur ses épaules. Une couronne d’or s’évasant avec la grâce des corolles du lis, et autour de laquelle se dessinait une ligue rouge, symbole du sang divin dont Marie fut inondée au pied de la croix, ornait sa tête. Son visage, d’une blancheur idéale, était tellement beau, que les enfants en la contemplant un peu plus tard s’écrièrent dans leur ravissement : « Jamais on n’a rien vu de pareil en personne ou en image. » Les bras tendus et abaissés, les mains affectueusement ouvertes, elle souriait de tout son beau visage au petit paysan qui la regardait. Eugène resta en extase devant cette merveilleuse apparition jusqu’au moment où Jeannette Délais, l’ensevelisseuse de Pontmain, ayant terminé sa conversation avec le père Barbedette, sortit de la grange. Alors l’enfant s’arrêta et lui demanda si elle ne voyait rien sur la maison d’Augustin Guidecoq. Jeannette regarda dans la direction indiquée par Eugène et répondit : « Mais non, mon pauvre Eugène, je ne vois rien du tout. »

Seuls les enfants la voient

L’accent plein d’émotion avec lequel Eugène avait interrogé Jeannette, attira aussitôt son père et son jeune frère ; mais le père vivement sollicité de regarder au-dessus de la maison. Et la même réponse que Jeannette : il ne voyait que quelques étoiles. Et toi, Joseph, fit Eugène, ne vois-tu rien ? Je vois une belle et grande Dame, répondit Joseph. Et il se mit à décrire le costume aussi exactement que son frère l’avait fait. Ce qu’entendant son père, il se mit à regarder avec plus d’attention encore que la première fois, mais sans plus de succès. Il ne put rien découvrir. 

Les doutes des adultes s’évanouissent

Sur l’ordre du père Barbedette, les enfants étaient rentrés à la grange, et Jeannette, à laquelle il avait recommandé le silence, s’était retirée. On se remit à broyer les ajoncs avec recueillement, le père Barbedette en songeant, et les enfants en regardant du côté de la porte. Quelques minutes s’étaient à peine écoulées que le père Barbedette, mû par une secrète inspiration, commanda à Eugène d’aller voir si la belle Dame était encore au-dessus de la maison Guidecoq. Sur la réponse joyeusement affirmative de son enfant, il envoya celui-ci chercher sa mère. Mais la mère, sur les instances réitérées de ses deux garçons, eut beau regarder, elle ne fut pas plus favorisée que son mari et que Jeannette. Cependant, les enfants, de plus en plus ravis et émerveillés, ne cessaient de s’écrier en battant des mains : « Oh ! Que c’est beau ! Oh ! Que c’est beau ! » La vérité a une puissance et une lumière qui s’imposent, surtout quand elle a pour organe l’innocence. Le père et la mère Barbedette le sentirent bien dans cette circonstance. Leur émotion disait assez haut que leurs doutes s’évanouissaient peu à peu en présence de ces affirmations naïves de leurs chers enfants. Cette belle Dame ne peut être que la sainte Vierge, dit la mère. Et sur un signe de celle-ci, tous se mirent à genoux à la porte de la grange, et récitèrent cinq Pater et cinq Ave en l’honneur de Marie. Après quoi les enfants, placés de nouveau en présence de la vision, recommencèrent à pousser des cris d’admiration plus forts encore que les précédents. Et Victoire leur mère, qui même avec ses excellentes lunettes n’avait rien pu découvrir, dut, pour la première fois peut-être, employer son autorité afin d’arracher ses fils à leur contemplation, et de les emmener à la maison. Leur repas fut court. Ils mangèrent leur soupe debout, tant ils étaient impatients d’aller voir si on voyait encore. À six heures et quart environ, ils étaient tous les deux à leur première place devant la grange. L’apparition brillait toujours dans le bleu du ciel. Après avoir récité de nouveau cinq Pater et cinq Ave, suivant le commandement que leur en avait donné leur mère, ils rentrèrent à la maison et dirent à leurs parents que rien n’était changé, et que la Dame était grande comme sœur Vitaline. Au nom de sœur Vitaline il vint une inspiration à Victoire Barbedette, ce fut d’aller avertir les sœurs de ce qui se passait.

Sœur Vitaline ne voit rien

La première des religieuses qu’elle rencontra fut sœur Vitaline. Instruite de l’événement, celle- ci interrompit la lecture de son office, se rendit devant la grange, et après avoir regardé dans la partie du ciel indiquée, déclara qu’elle n’y voyait pas la belle Dame. Les enfants, surpris et chagrinés de cette déclaration, insistèrent plus vivement que jamais. Ils ne s’expliquaient pas que la bonne sœur Vitaline ne distinguât rien de ce qu’ils voyaient si clairement. Mais ils eurent beau faire, beau insister, beau dépeindre l’apparition, sœur Vitaline répondit à toutes les questions qu’elle ne voyait absolument rien.

Poursuivre la Lecture

Après quoi elle s’en alla, reconduite par Victoire Barbedette. Trois petites filles étaient encore à l’école. La bonne sœur, à qui les choses de Dieu étaient connues, eut une heureuse inspiration. Elle appela les trois petites filles, et sans leur rien dire de la vision des enfants de Barbedette, elle les conduisit devant la grange. Une autre religieuse, sœur Marie-Edouard, ainsi que Victoire, les accompagnèrent. Les petites filles ne furent pas plus tôt arrivées devant la porte de la grange que deux d’entre elles s’écrièrent :

« Nous voyons une belle grande Dame ».

Et elles dépeignirent l’apparition dans les mêmes termes que les enfants de Barbedette. Frappées de ce concert, les religieuses prévinrent le curé. Le vénérable pasteur, en apprenant cette nouvelle, fut frappé d’une teneur religieuse et ému jusqu’aux larmes. Âme naïve, innocente, humble et pure, la pensée d’une manifestation divine le jeta dans un saint effroi, adouci pourtant par un profond sentiment de reconnaissance. Quelque temps immobile sous le poids de l’émotion qui l’accablait, le vieux serviteur de Jésus-Christ finit cependant par recueillir ses forces et se diriger vers la maison de Barbedette. Il y arriva avec beaucoup d’autres personnes de sa paroisse, car déjà le bruit du merveilleux événement faisait le tour du hameau. Mais ni le vénérable pasteur, ni les religieuses, ni aucune des grandes personnes présentes ne voyaient rien, les enfants seuls voyaient de suite la belle Dame, lin d’entre eux, Eugène Friscau, âgé de six ans, déclara voir tout ce que les petits garçons et les petites filles dont nous avons parlé ne se lassaient pas d’admirer. Une autre, une toute petite fillette, qui était dans sa troisième année et que sa mère tenait dans ses bras, entra dans une charmante ivresse à la vue de la belle Dame qu’elle appelait le Jésus, en souvenir du beau portrait que sa mère lui avait fait du divin Enfant. Elle ne pouvait en détacher ses regards, et en signe de joie et de bonheur, elle battait ses petites mains roses, comme l’oiselet fait de ses ailes à l’approche de sa mère. Ensuite les enfants virent un cercle ovale d’un bleu foncé se dessiner autour de l’apparition. Quatre cierges, deux de chaque côté, étaient fixés à l’intérieur du cercle bleu. Ils virent aussi apparaître une croix rouge sur la poitrine de la Dame. À toutes ces marques, à tous ces caractères décrits d’une manière toujours concordante et toujours invariable par les enfants, le vénérable pasteur de Pontmain connut que la belle Dame n’était autre que la sainte Vierge.

Cependant, les habitants de Pontmain, réunis en grand nombre, s’entretenaient de l’événement. Comme il arrive toujours, les uns croyaient au miracle sur la foi des enfants, et d’autres étaient incrédules. Il y avait même quelques esprits forts en herbe qui attribuaient l’impossibilité de voir au défaut de lunettes ou de mouchoirs de soie, assimilant sans doute une apparition miraculeuse à une éclipse de lune.

Frustration des adultes

Pourquoi, dit un jour M. Renan, pourquoi Dieu ne fait-il pas de miracles en présence des membres de l’Institut ? — Pourquoi, dit à son tour un petit Renan de village, ne verrais-je pas comme ces garçons ? Si j’avais un mouchoir de soie, je découvrirais sûrement le phénomène. — Oh ! Qu’à cela ne tienne, lui répondit Victoire Barbedette ; j’ai justement un mouchoir de soie : le voici, prenez et regardez. Le savantasse prit le mouchoir, se l’appliqua devant les yeux et essaya de voir à travers ; mais malgré son instrument d’optique, il avoua ne rien découvrir. Sa déconvenue provoqua un grand éclat de rire parmi la foule toujours grossissante, et au lieu de l’importance qu’il croyait se donner, il ne recueillit que des plaisanteries. Comme cette scène se prolongeait, et que quelques-uns des assistants continuaient à rire, à plaisanter et aussi à douter, les enfants remarquèrent que la physionomie de la belle Dame changeait, et qu’au sourire ineffable avec lequel elle les regardait, succédait une expression de profonde tristesse. Alors l’une des religieuses, sœur Marie-Edouard, demanda au vénérable pasteur de parler à la sainte Vierge. Lui ! Parler à la sainte Vierge, il n’oserait ni ne pourrait. Et pénétré d’une religieuse émotion, il s’affaissa sur ses genoux en murmurant : « Prions, mes enfants ! »

On ne parle pas à la sainte Vierge, on la prie

Cette âme vraiment sacerdotale, avait compris qu’on ne parle pas à la sainte Vierge, mais qu’on la prie. Ce sentiment qui débordait de la personne du vieux prêtre et qui le transfigurait, gagna tous les cœurs et fit fondre tous les doutes. Les hommes, les femmes, les enfants s’agenouillèrent, les visages tournés vers le lien de l’apparition, et dans le silence solennel de cette belle nuit, une voix claire, mais tremblante d’humilité, s’éleva : c’était celle de sœur Marie-Edouard commençant le chapelet auquel toute rassemblée répondit dévoiement. Quelle scène sublime dans sa simplicité ! Au premier plan, sur le seuil de la grange, étaient les enfants, les mains jointes, les yeux tout grands ouverts, et recevant en plein cœur la mystérieuse lumière qui jaillissait de l’apparition et que réverbéraient leurs naïves figures. Sur le second plan, dans l’intérieur de la grange ouverte, était le groupe des hommes, des femmes et des religieuses, et au milieu de ce groupe le vénérable pasteur de Pontmain prosterné jusqu’à terre. Et plus loin, dans la pénombre, les bestiaux de Barbedette ruminant en silence. Ne, se croyait-on, pas transporté à cette nuit mémorable où les bergers de la Galilée, avertis par des anges environnés d’une lumière divine, vinrent adorer Jésus dans l’étable de Bethléem !

Effet du chapelet. Prodiges

Alors, comme si elle subissait la force dilatrice de la prière, la belle Dame grandit et s’éleva plus haut dans le ciel. À mesure qu’elle s’élevait, les étoiles d’abord s’éloignaient avec respect, puis s’inclinaient lentement dans la voûte azurée, et venaient deux par deux se fixer sous ses pieds. Les enfants en comptèrent quarante. En même temps, leurs yeux furent presque éblouis à la vue des étoiles étincelantes qui fourmillèrent, en cet instant, sur la tunique bleue de la sainte Vierge. À ce récit des enfants, sœur Marie-Edouard entonna le Magnificat, cet admirable cantique sorti du cœur et des lèvres mêmes de Marie, et qui était merveilleusement approprié à la circonstance. Les assistants allaient répondre par le second verset, lorsque les enfants les arrêtèrent par l’annonce d’un nouveau prodige.

Apparition de lettres 

Un grand écriteau, blanc comme la neige qui couvrait la terre, s’était déployé sous les pieds de Marie, et sur cet écriteau apparurent successivement de grandes et belles lettres d’or, que les enfants nommèrent et ensuite épelèrent d’une commune voix. La simultanéité dont ces petits enfants faisaient preuve, leur spontanéité, leur accent plein de vivacité et d’animation, ne laissaient pas de place au plus léger doute. On était visiblement en présence d’un fait miraculeux. Le premier mot tracé sur la page blanche et épelé par les enfants fut celui-ci : Mais, cette étrange conjonction, ce mais conditionnel brilla seul pendant quelques minutes. Vinrent ensuite les mots que voici : Priez, mes enfants. Dans l’intervalle que mettait chaque mot à paraître, l’assistance continuait le chant du Magnificat. Les enfants remarquèrent alors que les yeux de la Dame redevenaient tendrement souriants. Sur la demande du bon curé, sur celle des assistants, les voyants épelèrent les lettres et assemblèrent les mots à plusieurs reprises, et cela toujours couramment, sans hésitation, et sans qu’aucun d’eux fît la plus légère faute.

Poursuivre la Lecture

Le vénérable abbé Guérin ordonna de continuer les chants sacrés par les litanies de la sainte Vierge ; mais sœur Marie-Edouard avait à peine achevé la première invocation, que les enfants, de plus en plus attentifs, s’écrièrent de nouveau :

« Voilà encore quelque chose qui se fait ! Voilà encore des lettres ! »

Et interrompant à intervalles inégaux le chant des litanies, ils nommèrent successivement et d’une voix commune, les lettres composant les mots suivants, tracés sur la même ligne que les précédents : Dieu vous exaucera en peu de temps. Un point lumineux et de même grandeur que les lettres termina la phrase. Les enfants le comparèrent à un soleil.

Apparition d’un soleil

Un soleil ponctuant la parole divine ! Quelle image ! Les prophètes n’en eussent pas trouvé de plus satisfaisante ni de plus grandiose. Cette image ne serait-elle point aussi un symbole, le symbole de la parole de Dieu éclairant l’univers, le symbole du second Fiat lux prononcé par Jésus-Christ dans les plaines et sur les montagnes de la Judée ? Un nouveau sourire de Marie, un sourire encore plus doux, plus céleste, plus divin que les précédents, accompagna et éclaira cette promesse. Il y avait tant de charme, tant d’attrait, tant d’abandon, tant d’amour maternel dans ce sourire, que les cœurs émus des enfants y répondirent par un autre sourire. Sourire de Marie descendant sur la terre, sourire des enfants de Pontmain montant dans les cieux, que ne vous ai-je vu de mes yeux, au moment de votre ineffable embrassement dans le cœur de Jésus ! Pendant que l’assistance chantait l’Inviolata et le Salue Regina. La main mystérieuse traça lentement d’antres lettres sur l’écriteau, mais sous les précédentes. Ces lettres prononcées et épelées par les enfants à mesure qu’elles apparaissaient, donnèrent la phrase suivante :

Mon fils se laisse toucher

Relevons ici un détail important et qui prouve bien l’inébranlable assurance des petits lecteurs : Entre le mot laisse et toucher, il y eut un assez long intervalle, ce qui fit supposer à sœur Vitaline que la phrase était terminée. Mais dans ce cas ces mots : Mon Fils se laisse, n’avaient pas de sens. Alors elle dit aux enfants qu’ils se trompaient, qu’ils lisaient mal, et qu’au lieu de laisse, c’était sans doute lasse qu’il y avait. Non, non, répondirent les enfants tous ensemble, ce n’est pas lasse, il y a un i. Et l’apparition du mot toucher vint prouver à sœur Vitaline qu’ils avaient raison. Il y a dans cette résistance des enfants un sentiment d’une personne en laquelle ils croyaient aveuglément d’habitude, toute une révélation. C’est la plus forte épreuve qu’ait eu à subir leur sincérité.

Voici la promesse telle que les enfants l’ont lue et relue plus de cent fois sur l’écriteau : 

MAIS PRIEZ, MES ENFANTS, DIEU VOUS EXAUCERA EN PEU DE TEMPS

MON FILS SE LAISSE TOUCHER

Il y a dans ce mais qui commence les paroles de la Vierge, quelque chose de très-remarquable. Ne serait-ce pas la continuation des paroles de la Salette ? La promesse après les menaces ; le pardon après les malheurs et le châtiment… comme la suite, en un mot, d’une phrase interrompue !!!

Alors, sœur Marie-Edouard, mettant de côté les préoccupations un peu trop personnelles et trop locales de l’assemblée, élargit la sphère des prières. D’une voix que l’émotion faisait trembler, elle chanta :

Mère de l’espérance

Dont le nom est si doux,

Protégez notre France,

Priez, priez pour nous !

À mesure que la religieuse chantait, la Sainte Vierge, élevant les mains, s’y associait en battant la mesure. Son visage était si beau et son sourire si doucement lumineux, que sous ce charme céleste, les petites filles et l’un des petits garçons essayèrent par un bond de s’envoler vers elle.

Disparition des lettres. Tristesse de Marie

Le cantique terminé, les lettres d’or s’effacèrent et l’écriteau disparut. Sur le visage de la Sainte Vierge s’éteignit le doux sourire et parut la tristesse. Un peu au-dessous de ses pieds, les enfants virent une croix rouge sur laquelle se détachait un Christ rouge aussi. La Sainte Vierge s’inclina pieusement, prit le crucifix dans ses mains superposées, et le pencha vers les enfants. Il était surmonté d’un écriteau où étaient écrits ces mots en lettres rouges : Jésus-Christ. On continua à prier avec plus de Ferveur que jamais. Et toute l’attitude de Marie témoignait qu’elle priait aussi. Après quelques instants pendant lesquels l’assemblée chanta le Parce Domine et l’Ave maris stella, le Christ rouge s’évanouit ; la Sainte Vierge inclinée se redressa, et sur chacune de ses épaules se forma une petite croix blanche. Une des étoiles qui, au commencement, étaient venues se ranger sons les pieds de la belle dame, s’éleva, fit le tour du cercle bleu dont elle alluma les flambeaux, et alla se fixer au-dessus de la tête de Marie, dont le visage, de triste qu’il était quand elle tenait la croix rouge, redevint souriant et radieux.

Terribles péchés de la France

Le symbolisme de cette dernière partie de l’apparition était transparent pour toute rassemblée. C’était, qu’on nous passe cette expression, un commentaire illustré des mots tracés sur l’écriteau. Le Christ sanglant disait que les péchés de la France avaient de nouveau crucifié le Sauveur et attiré sur nous la colère de Dieu. De là la guerre avec l’étranger et avec nos propres concitoyens. Tout peuple qui frappe le Christ se frappe lui-même. Le déicide a pour contre-coup fatal l’homicide. Le fleuve de sang qui arrose la terre va, grossissant ou diminuant, en proportion de nos crimes. Une nation entièrement coupable et irrévocablement fixée dans le mal s’exterminerait de ses propres mains. Mais les nations sont guérissables par la prière, le repentir et l’expiation. Et c’est ce que disait la Sainte Vierge en présentant le Christ rouge aux enfants et les invitant à prier à son exemple et par son intermédiaire l’adorable Trinité. Je dis par son intermédiaire, car toute son attitude dans cette scène touchante démontre clairement qu’elle veut être médiatrice entre son Fils et les hommes ; que si ceux-ci consentent à prier en elle, par elle, et avec elle, la miséricorde triomphera de la justice.

Triomphe de la miséricorde

Ce triomphe de la miséricorde, cette assurance du pardon et par conséquent de la paix sont admirablement signifiés par le changement du crucifix sanglant en ces deux petites croix blanches qui reparurent sur les épaules de Marie. La couleur blanche est le poétique symbole de la pureté, de la régénération, de l’innocence et de la paix. Et la Sainte Vierge passant alors de la tristesse à la joie, et ces flambeaux allumés par une étoile dans le cercle bleu, et cette étoile venant se fixer et scintiller au-dessus de la tête de la belle dame, que disent ces choses, sinon que le Fils de Marie se laisse toucher, et que les prières des Saints, éclairées, fortifiées par celles de Marie, ont encore une fois sauvé la France. Après cette glorification où les prières de la terre se mêlèrent aux lueurs affaiblies du ciel, l’apparition s’éteignit sous une sorte de voile blanc qui lui-même s’évanouit dans le bleu du firmament. Les habitants du village qui étaient accourus en foule se retirèrent gravement. Pas un doute ne s’éleva parmi eux. La sincérité des enfants était évidente, mais la vertu qui s’échappe des choses divines était plus évidente encore. C’est par le cœur surtout, c’est à son émotion profonde, à son recueillement spontané, à la terreur religieuse qu’il éprouve, que l’homme sent l’approche et la présence de Dieu.

Poursuivre la Lecture

Vous n’entrerez point dans le royaume des cieux

Mais, demandera-t-on, pourquoi les petits enfants étaient-ils seuls à voir l’apparition ? C’est ce que demanda aussi un des habitants de Pontmain, Jean Guidecoq, le frère du buraliste.

« Tu vois, garçon », dit-il à Eugène ; « pourquoi ne verrai-je pas, moi aussi ? »

Écoutez la réponse, Jean Guidecoq de tous pays.

Un jour que Jésus annonçait la bonne nouvelle dans la Galilée, « ses disciples s’approchèrent de lui et lui dirent : Qui est le plus grand dans le royaume des cieux ? » Jésus ayant appelé un petit enfant le mit au milieu d’eux, et leur dit :

« Je vous dis, en vérité, que si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme ce petit enfant vous n’entrerez point dans le royaume des cieux ».

Une autre fois, dit le récit sacré, « on présentait aussi à Jésus des petits enfants afin qu’il les touchât ; ce que voyant ses disciples, ils les repoussaient avec de rudes paroles ». Mais Jésus, appelant à lui ces enfants, dit à ses disciples :

« Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez point, car le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent. Je vous le dis en vérité : Quiconque ne recevra point le royaume de Dieu comme un enfant, n’y entrera point  ».

Eh bien ! Maintenant comprenez-vous ? La Sainte Vierge a fait à Pontmain ce que Notre-Seigneur avait fait dans la Judée. Elle a appelé à elle des petits enfants et s’est manifestée à eux, car elle savait que le péché n’avait point encore faussé leur vue, elle savait que la rectitude, la sincérité, l’étendue et la profondeur du regard viennent de l’innocence et de la pureté du cœur. Un seul péché intercepte Dieu à l’âme, comme un point noir intercepte le soleil à notre regard. Toute déviation, toute déformation de l’esprit et du cœur, de la raison et des sentiments, ont pour effet immédiat de troubler la vue, et cela à tel point que nous sommes capables de nier le jour en plein midi. « Votre œil est la lampe de votre corps », a dit le Sauveur dans le sermon sur la montagne, « si votre œil est simple, tout votre corps sera lumineux ; mais si votre œil est mauvais, tout votre corps sera ténébreux ». Or, pour se manifester aux hommes, la Sainte Vierge, qui sait son Évangile et plus que son Évangile, a choisi des yeux simples, c’est-à-dire capables de la voir et de lui rendre témoignage. Semblables à des eaux troublées, les âmes pécheresses eussent mal réfléchi sa céleste image.

Notes de l’évêché de Laval

Léon Guiller, secrétaire de l’évêché de Laval, a eu la bonté de nous adresser, le 10 février 1872, la note suivante :

« Monseigneur l’évêque de Laval vient de publier une lettre pastorale portant jugement sur l’apparition de la Très-Sainte Vierge dans le village de Pontmain. Le pèlerinage est déjà des plus suivis. Le concours des fidèles n’a pas cessé, depuis un an, de s’accroitre chaque jour. Tout porte à croire que le sanctuaire qui s’élèvera bientôt sur le lieu de l’apparition deviendra un des lieux les plus vénérés.

Voici en quels termes le vénérable évêque de Laval, Mgr Casimir-Alexis-Joseph Wicart, termine la lettre pastorale portant jugement sur l’apparition qui a eu lieu à Pontmain le 17 janvier 1871, et qu’il a publiée le 2 février 1872, plus d’une année après l’événement.

Vu les procès-verbaux des deux commissions successivement chargées d’informer sur le fait de l’apparition de la sainte Vierge à Pontmain, et ceux des compléments d’enquête faits le 19 janvier et le 20 et 21 du même mois ;

Vu le témoignage écrit des Docteurs-Médecins appelés à émettre leur jugement sur les circonstances qui sont du domaine de la science médicale et physiologique ;

Vu le rapport et l’avis de la commission de théologiens chargée d’étudier le fait précité au point de vue de la théologie, de la certitude philosophique et des formes juridiques ;

Considérant que l’apparition ne peut être attribuée ni à la fraude ou à l’imposture, ni à un état maladif des organes de la vue chez les enfants, ni à une illusion d’optique, ni à une hallucination;

Considérant que le fait excède les forces de l’homme et celles de toute la nature corporelle et visible ; que dès lors il appartient A l’ordre des faits surnaturels ou du moins præter- naturels ;

Considérant qu’il ne peut pas davantage s’expliquer par l’action des puissances diaboliques ;

Considérant d’ailleurs qu’il porte, soit en lui-même, soit dans l’ensemble des circonstances qui l’ont accompagné et suivi, le caractère d’un fait de l’ordre surnaturel et divin ;

AVONS DÉCLARÉ ET DÉCLARONS CE QUI SUIT

Art. 1er. Nous jugeons que l’Immaculée Vierge Marie, Mère de Dieu, a véritablement apparu, le 17 janvier 1871, A Eugène Barbedette, Joseph Barbedette, Françoise Richer et Jeanne- Marie Lebossé, dans le hameau de Pontmain.

Nous soumettons, en toute humilité et obéissance, ce jugement au jugement suprême du Saint-Siège apostolique, centre de l’imité, et organe infaillible de la vérité dans toute l’Eglise.

Art. 2. Nous autorisons dans notre diocèse le culte de la bienheureuse Vierge Marie, sous le titre de Notre-Dame d’Espérance de Pontmain.

Art. 4. Répondant aux vœux qui nous ont été exprimés de toutes parts, nous avons formé le dessein d’élever un sanctuaire en l’honneur de Marie sur le terrain même au-dessus duquel Elle a daigné apparaître ».

Enfin, le 14 février 1872, M. le secrétaire de l’évêché de Laval nous adressait les ligues suivantes dont nous le remercions ici bien cordialement :

« Je n’ai aucune observation à faire sur le récit de l’événement de Pontmain que vous vous proposez de publier dans l’ouvrage dont vous m’avez adressé une épreuve. Tous ces détails sont conformes à la brochure rédigée par M. l’abbé Richard, et imprimée avec la permission de Monseigneur l’évêque de Laval ».